Sans yeux, oreilles, nez ou mains pour toucher, comment le ver de terre parvient-il à s’orienter pour se déplacer ? Comment distingue-t-il sa propre galerie de celle de son voisin ? Comment fait-il pour trouver sa nourriture ? Ou, tout simplement, comment trouve-t-il un partenaire sexuel dans l’immensité et la noirceur du sol ? Bref, avance-t-il à tâtons dans la vie, c’est-à-dire au hasard ?
D’un autre point de vue, est-ce par hasard si ces animaux ont survécu aux cinq grandes extinctions de masse de la biodiversité où 75 % des espèces ont disparu ? Non seulement ils ont survécu aux dinosaures, mais peut-être ont-ils participé à leur élimination en les mangeant ? Car toutes les espèces de vers de terre ne sont pas végétariennes… Ceci dit, ils ont cette qualité qui nous fait défaut : une grande capacité d’adaptation en fonction des conditions environnementales.
Ont-ils des antennes ?
Même une seule, la licorne n’a bien qu’une seule corne… Alors, j’ai posé la question à mes petits-fils. D’accord, ils mélangent un peu la fonction des antennes et des cornes, mais soyez indulgents : une croyance agricole considère aussi les cornes des vaches comme des antennes qui les relient au ciel.
La théorie des cinq sens
Théorisé il y a 2 400 ans par le philosophe grec Aristote, votre sixième sens vous dit que les neurosciences ont dû faire quelques progrès depuis… Par exemple, on a découvert l’existence de neurones multisensoriels — affectés à plusieurs sens. On a également identifié d’autres sens, tels que la proprioception (perception de son corps), l’équilibrioception (sens de l’équilibre), la thermoception (ressentir la température) et la nociception (douleur). Notez qu’à l’exemple de Lumbricus terrestris, certaines espèces de vers de terre ressentent la douleur.
Mais on a aussi découvert que les animaux avaient des sens que nous n’avions pas ! Comme l’électroception (sensibilité aux champs électriques), la magnétoception (sensibilité aux champs magnétiques), l’écholocation pour voir avec la voix, et même la vision infrarouge pour voir ce que nous ne voyons pas ! En résumé, pour optimiser ses chances de survie, chaque espèce a développé, au fil de l’évolution, un système sensoriel adapté à son environnement et à son régime alimentaire. Mais cela ne répond toujours pas à la question : ont-ils des antennes ?
Prenons le problème à contre sens
La bouche est appelée bec chez les oiseaux, gueule chez les serpents, les poissons, les batraciens et la plupart des mammifères, sauf chez des herbivores comme la vache, ou des omnivores comme l’humain ou le ver de terre.
La bouche, c’est l’ouverture par laquelle nous mangeons, l’anus étant l’une des portes de sortie des aliments digérés, communément appelés : caca, crotte, bouse, ou encore turricule pour les vers de terre.
La bouche se trouve sur la tête de la plupart des animaux, sauf s’ils n’ont pas de tête… à l’exemple du ver de terre, de l’huître ou de tous les animaux marins dits primitifs. Certes, la limace et l’escargot ont des antennes sans pour autant avoir de tête… mais elles n’ont rien à voir avec celles des abeilles ! Au sommet des antennes de l’escargot se trouvent deux yeux et des capteurs olfactifs, tandis que celles de l’abeille ne portent pas d’yeux… car elle a les yeux en face des trous. En revanche, ses antennes sont « bourrées » de capteurs en tous genres : pour identifier les molécules odorantes qui circulent dans l’air et trouver de la nourriture, capter les vibrations électromagnétiques, communiquer et se reconnaître entre elles, s’orienter, naviguer…
Quant au ver de terre, dépourvu d’antennes et de cils sensoriels, il possède une grosse lèvre qui lui sert d’antenne à l’avant de sa bouche ! Pour s’orienter, se déplacer, choisir sa nourriture et trouver un partenaire sexuel. Cela facilite la rencontre, plutôt que de chercher à tâtons, d’autant que c’est un animal solitaire qui vit comme un chien errant.
Le prostomium
Mais voilà, pour rendre savant ce qui était au départ très simple, les scientifiques ont nommé cette lèvre prostomium : pro, qui signifie en grec ancien « devant », et stomium, stoma, qui veut dire « bouche » – littéralement « devant la bouche », tout comme une lèvre. En conclusion, même si le corps de certaines espèces est parsemé de cellules photosensibles, pour distinguer la lumière du noir absolu, la survie d’un ver de terre dépend de son prostomium.
Cette fiche pédagogique (version adulte) fait partie d’un espace itinérant conçu comme un couteau suisse pour comprendre le fonctionnement du sol et ses enjeux à travers la manière dont les vers de terre l’habitent. Il est en cours de développement et il sera constitué de quiz, de grandes fresques murales, de vidéos et de jeux adaptés aussi bien aux enfants qu’aux adultes.
Pour ce projet, nous allons rechercher des partenaires financiers et lancer un financement participatif. Mais si vous connaissez dès à présent une fête des plantes ou une foire bio susceptible d’être intéressée, merci de m’en informer. Contact
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