Même si chacun sait que les vers de terre sont des auxiliaires agricoles aussi précieux que les abeilles, et même si le ministère reconnait lui-même qu’ils sont les architectes des sols fertiles, il n’a jamais levé le moindre petit doigt pour leur accorder une existence juridique. Préférant le doigt d’honneur comme en 2019 : « Les vers de terre ayant pour habitat le volume du sol, en particulier les sols cultivés, leur protection en tant qu’espèce pourrait compromettre la pratique de multiples activités sur les sols. »
La législation sur les vers de terre date de 1804 !
Quand j’écris à Madame la ministre de l’Agriculture pour lui dire qu’il est urgent de légiférer leur préservation (lire), elle ne donne pas suite. Pourtant, la loi est l’instrument de leur disparition et de la destruction de leur habitat. Une disparition rendue possible par l’art. 544 du Code civil qui a été rédigé en 1804 sur la base de connaissances scientifiques du XVIIIe siècle.
À cette époque, les vers de terre étaient vus comme des parasites mangeant les racines des cultures et les sols nourriciers comme un milieu inerte ! Voilà le socle de nos lois en 2025 ! Cet article fait suite à : Nos lois sont incapables de protéger les vers de terre (15/12/2024) et L’environnement est privatif et non collectif, il appartient à celui qui le possède (22/12/2024), et il en est la conclusion.
N.B. L’INRAE vient de publier un article qui fait notamment référence à mon travail de recherche sur les vers de terre : lire.
Conclusion
L’impact de notre système législatif fait qu’aujourd’hui, nos meilleurs sols appartiennent aux grands propriétaires et aux rentiers, comme avant la Révolution française. Quant à leur état, plus de la moitié sont dégradés à des degrés divers en raison de pratiques agricoles agressives et déconnectées des cycles naturels. Cette situation est inédite dans l’histoire de l’humanité. Disons-le clairement : c’est criminel, car ces sols ne sont pas renouvelables à l’échelle humaine. Afin qu’ils continuent à être productifs, la France est obligée d’importer massivement des engrais minéraux : 95% sont importés… dont 750 000 tonnes de Russie en 2024 (source).
L’avis de l’avocate Mathilde Lacaze-Masmonteil
Intervenante en droit de l’environnement et enseignante à l’Université Paris-Saclay.
L’esprit civiliste, au travers notamment de l’article 552 déjà mentionné (art. du 22/12/2024), fait du sol une entité sans vie, une parcelle vidée de substance qui n’a d’intérêt que par celui que son propriétaire lui confère. Si les droits que ce dernier exerce sur « son » sol sont limités par les efforts (encore insuffisants) des pouvoirs publics, notamment en matière d’artificialisation, on ne peut que critiquer l’absence d’existence des sols comme des entités juridiques autonomes.
L’intérêt général, pris à l’aune des services écosystémiques rendus par les sols et la biodiversité qui les habite, devrait nous conduire à changer de paradigme et d’envisager une évolution de leur régime, à l’instar de l’eau ou de l’atmosphère. A l’heure actuelle, seuls les sols pollués (C.envir. art. L.556-1 et suivants) ou les sols d’intérêt géologique (C.envir., art. R.411-1) bénéficient d’un régime de protection. On ne peut qu’espérer que la future directive-cadre sur les sols, en discussion à l’échelon européen, réponde à l’urgence de protection.
Pour ajouter mon grain de sel, la nature est finalement un bien collectif géré par des intérêts privés. Et chaque fois que nous avançons en faveur de l’intérêt collectif, c’est pour mieux reculer, car telle est la logique de la loi depuis 1804. Et les vers de terre n’échappent pas à cette règle.
Félix Tiouka, un Français amérindien-guyanais, à l’occasion de son discours aux autorités françaises en 1984 : « Nous ne comprenons pas pourquoi la notion de propriété privée de terre qui est la vôtre, doit primer sur la notion de propriété collective qui est la nôtre. L’appropriation privée de la terre et de ses ressources nous apparaît à la base d’un système fondé sur l’exploitation de l’homme par l’homme que traditionnellement nos ancêtres ont toujours refusé. » Texte complet ; extrait vidéo.
Des nouvelles de Ne tirons plus la chasse
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- « C’est Christophe Gatineau qui nous le dit… Ne tirez plus la chasse ! » La Croix – 23/02/2025
- « Un livre utile sur une question trop ignorée, voire dédaignée, malgré son grand intérêt. » JNE – 20/02/2025
- Dans la sélection des livres à lire pendant le Salon de l’agriculture : Reporterre – 22/02/2025
- Ma nouvelle interview a dépassé le demi-million de vues sur Instagram : ARTE – 17/02/2025
- Mon nouveau livre est déjà un succès médiatique – 09/02/2025
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L’Éloge du ver de terre n°1 est définitivement épuisé,
et il ne reste que quelques exemplaires du n°2.
En librairie ou dans notre boutique.
Les ventes financent ce site.
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Navrant retard de la législation française, en-dessous de tout ! Alors que cette vision péjorative des vers de terre fut définitivement écartée par les savants du XIXème, dont notre cher Charles Darwin !
Bonjour merci beaucoup pour votre travail qui est tellement important à nos yeux.
Bravo