Le 21 octobre est la Journée mondiale des vers de terre, une occasion de rappeler l’urgence de revoir la législation. Sans droits ni protection, la loi est leur premier fossoyeur. Comme des nuisibles, leur destruction dans les champs est autorisée ! La loi devrait préserver les vers de terre mais, contre toute attente, elle organise leur disparition.
Et pendant ce temps-là, des dizaines de chercheurs français continuent d’étudier leur rôle dans la formation et l’évolution des sols. On estime qu’une soixantaine sont impliqués, de près ou de loin, dans ces recherches en France. Une situation confuse et contradictoire, mais typique en agriculture, à l’exemple des haies, où l’on fait grand bruit dès que quelques centaines de mètres sont replantées, alors que 23,5 km disparaissent chaque année dans un silence assourdissant… (source)
Ceci dit, en agriculture, il n’existe que deux options : soit les cultures sont nourries pour l’essentiel par les vers de terre et les microbes, eux-mêmes nourris par la biomasse, soit par les engrais industriels de synthèse dont nous connaissons tous les effets dévastateurs sur le climat, la qualité des eaux, l’épuisement des phosphates et la disparition des vers de terre.
Sommaire.
- Que serait un monde sans vers de terre
- Les causes de leur disparition
- Nourrir les moteurs plutôt que les vers de terre
- L’ignorance à la base de leur disparition
- Le quiz du ver de terre !
- Le lombric terrestre, l’exception
- Les pesticides ne sont pas testés sur les vers de terre
- La ligue de protection des vers de terre
- Un espace pédagogique itinérant
- Le lombryrinthe
- Perspectives
- Contact
Que serait un monde sans vers de terre ?
Serait-il à l’image d’une forêt sans arbres, d’un livre sans mots ou d’une histoire effacée ? Dire que les engrais industriels sont la seule alternative à leur disparition des sols agricoles, revient clairement à dire que c’est la solution choisie par l’État pour les remplacer ; de la même manière que de mini-drones pourraient, à terme, remplacer les abeilles. Ce n’est plus de la fiction, les industriels s’activent pour les remplacer.
Pourtant, nourrir les vers de terre, c’est nourrir la terre qui nous nourrit. Ainsi fonctionne l’écosystème naturel. Mais avec ces engrais, on nourrit un système économique et on court-circuite les cycles naturels ; des engrais qui aggravent le réchauffement climatique et l’érosion des sols, polluent les eaux, épuisent une ressource naturelle quasi épuisée comme le phosphore, accélèrent la disparition des vers de terre et réduisent la biodiversité. Des conséquences invisibles.
Mais pour le moment, ces engrais font le job en masquant la fin des vers de terre.
Les causes de leur disparition
Les sols nus, le travail intensif du sol, le labour profond et, indirectement, les engrais industriels de synthèse sont la première cause de mortalité des vers de terre. La première cause est la destruction de leur habitat et la famine, les pesticides arrivent en second, le reste est accessoire.
Il annonce une accélération de leur disparition
Lors de sa déclaration de politique générale, le 01/10/2024, le Premier ministre, Michel Barnier, a annoncé vouloir intensifier l’exploitation de leur habitat et détourner une partie de leur alimentation pour produire de l’énergie : « En valorisant la biomasse pour décarboner efficacement la production de chaleur et de gaz, en développant la filière française des biocarburants pour l’aviation. »
La biomasse, c’est l’énergie des sols vivants, la nourriture de la faune et des microbes qui créent la fertilité naturelle de nos sols agricoles. En plus, cela va intensifier l’usage des pesticides et des engrais, c’est aussi une porte ouverte aux OGM, un cadeau fait aux notables de la FNSEA sous couvert de transition énergétique
L’ignorance à la base de leur disparition
En 2024, toujours victimes de croyances moyenâgeuses, les vers de terre sont vus comme un monde monolithique, alors qu’ils sont en réalité bio-diversifiés, à l’image du lombric terrestre, la star des sols, dont le système génital est bien plus complexe que le nôtre !
On vient par exemple de découvrir à l’INRAE d’Avignon que, si l’on prive un ver de terre d’activité sexuelle, il devient obèse ! Jusqu’à prendre 10 fois son poids moyen ! Quant au lombric terrestre, la seule espèce à venir s’accoupler sur le sol, son appétit sexuel est si fort qu’il n’hésite pas à surmonter sa crainte de la lumière.
Or, nous préférons continuer à nous demander si en couper un en deux en fait deux, bien que la question soit élucidée depuis longtemps : au pire, cela fait un mort, au mieux, un handicapé, mais jamais deux !
Le quiz du ver de terre !
Questions extraites de l’espace pédagogique itinérant développé par La Ligue : Par où fait pipi le ver de terre ? Combien le savent ? Peu, vous en conviendrez, tout comme ceux qui savent par où la poule fait pipi. D’ailleurs, connaissez-vous le point commun entre une poule et un ver de terre ? Sans dents, la poule et le ver de terre ont en commun d’avoir un gésier pour broyer les aliments ! Quant au pipi, le ver de terre le suinte.
Questions :
- A-t-il des poils ?
- Non.
- Du sang coule-t-il dans ses veines ?
- Oui.
- Sait-il nager ?
- Non.
- Se noie-t-il pour autant ?
- Parfois.
- Ses aïeux ont-ils connu les dinosaures ?
- Oui.
Plus difficiles :
- Naît-il mâle, femelle ou sans sexe ?
- Je vous laisse méditer.
- A-t-il des pattes ?
- Non, mais…
- A-t-il des antennes ?
- Non, mais…
- Le lombric terrestre a-t-il des couilles ?
- Oui, mais pas une, deux paires…
- Pourquoi Charles Foster, professeur de droit médical et d’éthique à l’université d’Oxford, a-t-il mangé des vers de terre ?
- C’était lorsqu’il étudiait le blaireau, un animal dont la vie dépend de la ressource en lombrics : lombrico-dépendant comme la taupe !
Le lombric terrestre, l’exception
Tête rouge foncé et arrière-train plat, c’est unique chez les annélides, ce lombric bravant la lumière pour s’accoupler choisit aussi ses partenaires sexuels et cultive la nourriture pour ses vermisseaux ! Je sais, ça vous secoue le cocotier… Tout cela est bien entendu scientifiquement sourcé. Il est aussi le 3e animal le plus costaud sur Terre, derrière le bousier et la fourmi, capable de tirer jusqu’à 55 fois son propre poids : voir sur YouTube.
Il vit dans une galerie permanente appelée terrier, comme un lapin, un renard ou un blaireau, où il s’aménage une chambre dont il recouvre volontairement le sol de feuilles, de petites pierres ou de graines ! J’entends que ça peut surprendre… pour un animal dit primitif, mais ce lombric et le renard atteignent également leur maturité sexuelle au même âge et vivent à peu près aussi longtemps à l’état naturel !
Les pesticides ne sont pas testés sur les vers de terre
En 2024, nous en sommes toujours au même point : on ne veut pas savoir… un vide juridique signalé au ministère de l’Agriculture par des chercheurs de l’INRAE en 2013.
Un vide juridique dramatique, puisque l’agriculteur ne sait pas, en pulvérisant un pesticide, s’il est inoffensif ou toxique pour ses vers de terre ! Comme il y a 50 ans, quand la législation ne distinguait pas la toxicité des cigarettes en chocolat de celle avec du tabac !
La ligue de protection des vers de terre
Le 20 avril 2024, était fondée la Ligue de protection des vers de terre. Son objet : contribuer à la préservation et à la protection juridique des vers de terre ainsi qu’à leur réhabilitation dans le modèle agricole. Elle a pris le relais de l’association du Jardin vivant en Limousin qui poursuivait les mêmes buts depuis le 17 octobre 2014.
Le Jardin vivant a permis des avancées remarquables dans la reconnaissance des vers de terre. Lire à ce sujet l’histoire de leur reconnaissance juridique. Quant à leur journée mondiale, initiée en 2016 par la Société britannique des vers de terre, elle naît en France dans le sillage de l’Éloge du ver de terre sorti chez Flammarion en 2018 et Sauver le ver de terre en 2020. Portée par le Jardin vivant, maintenant La Ligue.
Un espace pédagogique itinérant
La Ligue a été fortement médiatisée depuis sa création, de TF1 à France Info, France Inter, France Bleu, France 3, RFI… mais elle est aussi très active.
Nous travaillons à l’élaboration d’outils et de jeux pédagogiques pour petits et grands, ainsi qu’à la création d’un espace d’information itinérant. Nous pensons fermement que le jeu est un moyen motivant pour stimuler l’apprentissage. Plusieurs sont en cours de développement, basés le plus souvent sur des questions-réponses, plus de 150, parfois insolites :
- Cite un super pouvoir des vers de terre.
- Si les vers de terre se mettaient en grève, que se passerait-il ?
- Le ver de terre n’a pas d’yeux, comment fait-il pour voir ?
- Si une limace rencontre un ver de terre, que se passe-t-il ?
- Imagine une journée dans la vie d’un ver de terre.
Le lombryrinthe
Nous avons créé un grand labyrinthe spécial vers de terre, de 2 m², composé de galeries où le ver de terre doit rejoindre le sol pour se dégourdir les pattes ! Tiens, à ce propos : un ver de terre a-t-il des pattes comme un mille-pattes, ou bien est-il sans pattes comme un serpent ? Attention, il y a un piège…
Dans ce dédale de galeries, le joueur rencontrera les amis et les ennemis du ver de terre, découvrant au passage les secrets de la vie du sol et d’où provient son alimentation.
Perspectives
Nommer, c’est faire exister. Ce qui n’est pas nommé est invisible aux yeux de la loi ; les vers de terre ne sont pas nommés, ils sont dans l’angle mort. Juridiquement, ils n’existent pas. Et présentement, la loi est l’instrument de leur disparition.
Juste ou injuste, la loi est toujours plus juste que la loi du plus fort. Quel avenir aurions-nous si chacun se faisait justice ? Or, les vers de terre sont soumis à la justice de chacun, à la loi du plus fort, ils n’ont ni droit ni protection, la loi française autorisant leur destruction jusqu’au dernier.
Alors, comment changer ça ? En changeant le climat intellectuel et en menant inlassablement des actions de sensibilisation, car nous parlons bien ici de la disparition des ingénieurs du sol, leur première masse animale et les premiers indicateurs de leur bonne santé, en plus d’être un marqueur essentiel de la biodiversité . Entre nous, ce n’est pas de la bricole !
« Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort – Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port. » Pierre Corneille. Soyons les acteurs de ce renforcement, et merci pour eux de faire du bruit le 21 octobre prochain.
Contact
Christophe Gatineau, président de La Ligue de protection des vers de terre, agronome et lombricologue, j’étudie les vers de terre dans leur rapport à l’agriculture ; j’étudie en particulier l’espèce la plus emblématique, le lombric terrestre.
Auteur de plusieurs livres, dont deux publiés chez Flammarion – Éloge du ver de terre et Éloge de l’abeille – et trois sur les vers de terre, je travaille depuis près de 10 ans à la reconnaissance juridique des vers de terre. Pour toute information complémentaire, veuillez utiliser le formulaire de contact, Facebook ou Twitter.
L’Éloge du ver de terre n°1 est épuisé et ne sera pas réédité.
Idem pour le 2, bientôt épuisé, il ne sera pas réédité.
En libraire ou dans notre boutique.