En 2021, le Gouvernement lançait une grande opération de communication basée sur les haies ! 50 millions sur la table et 2 ans pour en replanter 7 000 km (source.) Tous les citadins et bobos ruraux ont applaudi. C’était la cible à l’approche des élections présidentielles. Pourquoi les haies ? Parce qu’elles sont perçues comme des remparts à l’agro-industrie, outre de véhiculer quelque chose de positif et d’écologique où l’agriculture coopère avec la biodiversité. Elle « sonnent » agroécologie.
À l’époque, nous étions peu à dénoncer cette opération de verdissement. Pourtant, l’histoire nous donne raison, l’urgence n’était pas de planter, mais de protéger ! En effet, aux 7 000 km replantées, 45 000 étaient arrachées !
Opération réussie
L’opinion publique a cru en une reconquête du bon sens paysan, les médias parisiens n’ont pas tari d’éloges. Ce que l’on sait moins, c’est que dans le même temps, l’État autorisait la destruction de dizaines de milliers de km de haies. Et comment le sait-on ? Par l’État lui-même et un rapport ministériel publié le 23 avril 2023 (source), un rapport qui révèle que plus de 100 000 km ont disparu entre 2017 et 2021 : 23 500 par an contre 10 400 entre 2006 et 2014 !
On apprend aussi qu’entre 1950 et 2002, 1,4 million de km de haies ont été supprimés et que rien ne semble pouvoir arrêter l’hémorragie, l’intensification en étant une preuve. Un betteravier du nord de la France m’expliquait cette semaine : « Les gars ont accéléré les arrachages de haies à cause des escrologistes ! » Comprenez, avant que les écolos nous interdisent de les arracher…
Des destructions en toute légalité
En effet, il est strictement interdit d’arracher une haie en France sans déposer une déclaration préalable auprès des Autorités (source). De plus, pour les agriculteurs, l’arrachage est soumis à une autorisation administrative, puisque certaines aides de la PAC sont conditionnées à leur maintien. Donc, en offrant un cadre juridique favorable à leur destruction, c’est bel et bien l’État qui a autorisé ces arrachages massifs pendant qu’elle endormait l’opinion publique avec ses ridicules 7 000 km.
Pourquoi protéger plutôt que planter
D’abord, pour stopper net les destructions. Il y a de moins en moins de haies, plus de 70 % de ce patrimoine végétal a été détruit. Ensuite, il faut au moins une vingtaine d’années avant de pouvoir réellement bénéficier de tous les services écosystémiques fournis par ces clôtures. Des clôtures supprimées définitivement pour faire place à de vastes plaines céréalières, ou remplacées par des barbelés ou des clôtures électriques plus faciles à entretenir et mobiles.
Pourquoi planter plutôt que protéger
Pour l’argent et la sacro-sainte croissance : vente de services, de produits et de plants, le tout arrosé d’argent public. Quant à l’image, sur le plan politique, c’est très vendeur.
En guise de conclusion
L’avis de l’État extrait du rapport ministériel : « Face aux aléas climatiques, de plus en plus intenses et fréquents, les haies et les arbres représentent une vraie solution grâce aux nombreux services qu’ils rendent à l’agriculture et au territoire : bénéfices agronomiques permettant une amélioration du rendement agricole et de la productivité des animaux : effet brise-vent, bien-être animal par l’ombrage, rétention des sols et lutte contre l’érosion, enrichissement des sols, lutte biologique, pollinisation ; services écosystémiques : stockage de carbone, préservation du paysage, régulation de l’eau, préservation de la biodiversité et des corridors écologiques. »
Les rapports et les études scientifiques aboient,
la caravane passe, imperturbable, sans un regard.
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Bonjour, La boucle est bien bouclée, par exemple ici en Normandie ou en Bretagne, puisque avant d’être arrachée la haie est coupée souvent en arbre entier par des engins puis mise en tas toutes essences et grosseurs confondues. Ensuite arrive le fameux broyeur de branches attelé au dernier Fendt (le plus gros possible, on a les moyens) qui boit au bas mots 400L jour de GNR. Les copeaux de bois peuvent partir en chaudière ou litière animale ce serait le « moins pire » mais plutôt en métha. Tout ça part à plusieurs dizaines de kilomètres. Beaucoup de ces arbres pourrait devenir du bois de construction ou d’œuvre. Mais si on manque de bastings, on peut encore importer du sapin… pour l’instant. Les souches deviennent des détails disparus et enterrés vite fait.
L’agriculteur est tenu, se plaint-il, de replanter 3 fois le linéaire arraché! Pauvre de lui (il ne touchera pas à la jeune plantation une seule fois) une entreprise débarque et plante le linéaire en question avec protection et une pelletée de copeaux s’il en reste dans un coin. Poussera ? Poussera pas? Personnes pour s’en soucier puisque vaille que vaille, les subventions tombent. Les pigeons ramassent les miettes en disant qu’ils font tout ça pour les générations futures…
J’en reste dubitative. Pas la peine d’alerter qui que se soit puisque c’est déjà au vu et su des riverains (qui sont déjà bien souvent embêtés avec leur nombril, ça nous arrive à tous). Et les journaleux parisiens… vous les connaissez mieux que moi M. Gatineau.
Comment avoir un dialogue avec les agriculteurs qui font ça? Quelle éducation ont-ils reçu? Quel recul prennent-il sur leur métier par rapport aux pratiques des grands-parents?
Bonjour Marie,
Je comprends votre posture, mais comme expliqué dans l’article, ce n’est pas un problème d’agriculteurs, mais politique.
C’est à ceux qui font les lois et établissent les règles d’en éditer qui vont dans le même sens, et non pour faire plaisir à tout le monde…
Effectivement les destructions de haies continuent . Le betteravier que tu as rencontré fais tout de même preuve de mauvaise foi …
Je pense que le nombre de 1,4 millions de km de haies arrachées depuis 1950 jusqu’à 2001 est sous-estimé …
Joseph P.
Eh oui Christophe on n’a pas fini de faire marche arrière. En traversant le département du Gers par le GR65 j’ai pu voir ces immenses champs de céréales, les systèmes d’irrigation gigantesques, les tracteurs énormes, le chemin couvert de la glaise arrachée a des champs nus et exposés aux averses de saison, la rareté des insectes. Et pourtant les solutions et les compétences existent. Il suffirait de pas grand chose: réorienter les subsides de la PAC, organiser une vraie assistance technique pour les méthodes agroecologiques et organiser le paiement des services écosystémiques, ces services ou « dyservices » fournis par la gestion des sols, stockage de carbone pour les uns, pertes vers l’atmosphère pour les autres, la même chose pour la biodiversité, l’infiltration et le stockage de l’eau. Et restaurer ces sols dégradés a ce point. En conditions naturelles on estime a 7 ans le temps qu’il faut pour récupérer en agriculture organique le niveau de production d’un système conventionnel. Le temps de reconstruire tout ce qui a été détruit….
Patrick,
Tu écris qu’il faut 7 ans pour reconstruire un sol abimé. Mais voilà, pendant 7 ans, l’agriculteur va dépenser du temps, de l’argent et de l’énergie à reconstruire un sol qui ne lui rapportera rien pendant toutes ces années. C’est une perte considérable. Comme si on disait aux retraités : pour sauver et reconstruire votre régime, on ne vous versera pas votre retraite pendant plusieurs années. Parce que la question se pose aussi en ces termes.