L’urine au jardin : toujours l’enterrer dans de petits sillons

Pourquoi enterrer l’urine au jardin plutôt que l’épandre sur le sol ? Pour ne pas perdre son précieux nectar : l’azote. Pure ou diluée, peu importe, nous en pissons une dizaine de litres par semaine ! Diluée à 10 %, ça fait 100 litres à recycler par personne ! Un couple, 200 litres, etc. Pure, c’est moins de boulot et de sillons à ouvrir et refermer.

L’objectif n’est pas d’en utiliser une infime partie pour phyto-stimuler ses légumes, ses fleurs ou ses arbres, puis de jeter le reste en tirant la chasse, mais bien de recycler dans le sol ce qui vient du sol ! Pourquoi ? Parce que c’est un cycle à l’image du cycle de l’eau. Je m’explique.

Le bol alimentaire est la masse d’aliments mastiquée et imprégnée de salive avant d’être avalée. Nos déjections (pipi et caca) en sont le produit digéré. À l’exception de quelques crustacés et autres poissons, ce « bol » est constitué à 95% de plantes ou d’animaux qui ont eux-mêmes mangé des plantes. Mais que mangent les plantes à la base de notre chaîne alimentaire ? Pas de la terre ni des cailloux, mais les éléments nutritifs du sol : azote, phosphore, potassium, calcium, magnésium, soufre, hydrogène, oxygène et, dans une moindre mesure, fer, zinc, sodium, manganèse, silicium… que l’on retrouve dans nos déjections !

Finalement, nous partageons avec les plantes d’avoir la même réserve nutritive, le même placard à provisions : le sol. Et comme une rivière dépend de sa source pour ne pour ne pas finir en lit de pierre, un sol, privé de nutriments, subit le même sort. En tirant la chasse, on envoie le sol dans la rivière… puisque les stations d’épuration s’y déversent.

Un biostimulant ne nourrit pas la plante, mais il la stimule ! Lors du Tour de France, les spectateurs stimulent les coureurs… même ceux qui ont la fringale. Les biostimulants sont à la mode, car leurs marges financières sont colossales. Par exemple : un litre de purin d’orties acheté chez Carrouf coûte plus cher qu’une tonne de fumier de vache ! C’est l’emballage idéologique qui coûte cher… (désolé)

Extraits de « Ne tirons plus la chasse« . 176 pages. ISBN : 9782379224317
30/01/2025. 18.00 €. Éditions ULMER Fiche éditeur, commander
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Dans la seule étude de grande ampleur et de référence sur le sujet, publiée en 2011, il est écrit : « On peut appliquer l’urine pure ou diluée avec de l’eau. Il n’y a pas de recommandation standard pour la dilution ou non-dilution, et les recommandations existantes varient en fonction des conditions locales. Les niveaux de dilution peuvent varier entre 1/1 (1 part d’urine pour 1 part d’eau) et 1/15. Les taux de dilution les plus courants sont 1/3 ou 1/5… » Ensuite, ça rejoint ma pratique qui est d’enfouir légèrement l’urine dans de petits sillons pour limiter les pertes en azote : « Pour un meilleur effet fertilisant, et pour éviter les pertes d’ammoniac, l’urine devrait être incorporée dans le sol le plus tôt possible après l’application, immédiatement si possible. Cela limite aussi les risques pour la santé dus à l’exposition directe. Une incorporation superficielle suffit […] »

La technique. Ouvrir un petit sillon avec une binette entre les rangs ou à l’emplacement de futurs semis ou repiquages, puis la verser comme on sèmerait des radis avant de la recouvrir de terre. Cette méthode évite les pertes d’azote et les odeurs. Dans tous les cas de figure, vous devez savoir que l’azote ne sera pas immédiatement disponible pour vos plantes. En effet, certaines enzymes et bactéries du sol vont d’abord transformer l’urée en ammonium, puis en nitrite et en nitrate. Cette opération, qui dépend de la température du sol, peut durer de quelques jours à une vingtaine.

Pour comprendre le phénomène de l’intérieur, j’ai interrogé un ténor en la matière – si je puis dire… –, Daniel Chateigner, professeur de physique à l’université de Caen Normandie. « Professeur, d’où provient cette odeur de pisse ?

— Après que le foie a transformé les NH3 et N2 issus de la digestion en urée pour les éliminer via les reins, l’uretère, la vessie… une fois cette urée évacuée, elle commence à s’hydrolyser. »

NH3, c’est l’ammoniac, un gaz présent à l’état naturel, irritant, voire toxique, qui est composé d’un atome d’azote et de trois atomes d’hydrogène (sa forme liquide est l’ammoniaque) ; il est à la base des engrais azotés chimiques. N2, c’est le diazote, qui est composé de deux atomes d’azote ; c’est le premier constituant de l’air ambiant. S’hydrolyser ? Dans l’eau et sous l’action d’une enzyme, l’uréase, l’urée est dégradée en ammoniac (NH3) et en dioxyde de carbone (CO2). Outre l’odeur qui prend le nez, cette dégradation est une perte d’un point de vue agronomique car l’azote se fait la valise…

Sachant qu’un adulte rejette tout ce qu’il ingère au fil du temps, notamment lors du renouvellement cellulaire et moléculaire, ce que nous rejetons est donc directement lié à notre régime alimentaire et aux quantités ingérées ; 95 % du NPK ingéré est rejeté via nos urines et nos matières fécales, le reste par la sueur, les pets, les rots… soit environ 4,5 kg d’azote (N), 0,550 kg de phosphore (P) et 1,5 kg de potassium (K) par an. Par ailleurs, 1 litre d’urine humaine contient en moyenne 5 à 6 g d’azote.


1 réflexion sur “L’urine au jardin : toujours l’enterrer dans de petits sillons”

  1. Changement de cap agricole,
    en route vers l’agro-libertarisme
    merci pour vos infos, les pros de l’industrie agricole travaillent jusqu’à L’assemblée Nationale, c’est vraiment des bosseurs…

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