L’humus est cette fine couche supérieure du sol, les 15 premiers centimètres, où la vie souterraine se concentre et transforme la matière organique en engrais naturel pour les plantes. C’est l’habitat des racines, des vers de terre et des microbes, l’intestin des plantes, le berceau de notre civilisation.
Et si l’humus est clairement défini d’un point de vue agronomique, c’est aussi un concept spirituel dans l’esprit de certains ! Nous y reviendrons, car cette conception « hors sol » nuit gravement à la transition agroécologique.
Attention tout de même, 15 cm est un max. en milieu forestier, l’épaisseur variant en fonction des milieux. Par ailleurs, l’humus a disparu de beaucoup de sols de grandes cultures, victime de techniques agricoles agressives et inappropriées, remplacé par les engrais dits chimiques pour la plus grande joie des vendeurs de produits. Ces engrais sont la seule alternative à sa disparition.
Pour alerter, j’ai écrit un livre qui aurait dû s’appeler Humus, qui sort en librairie le 30 janvier, mais mon éditeur a choisi : Ne tirons plus la chasse ! Ne lisez pas : Ne tirons plus sur la chasse, ce n’est pas un ouvrage pro chasse… En réalité, quand vous tirez la chasse d’eau après avoir fait vos besoins, c’est bien sur l’humus que vous la tirez !!! Je m’explique.
Extrait de mon ouvrage
« Ce livre s’adresse en priorité à ceux qui la tirent, c’est-à-dire à nous tous – personne n’est innocent –, nous qui faisons nos besoins dans l’eau potable et nous essuyons les fesses avec du papier issu de forêts rasées à blanc. Des arbres qui, après avoir été des essuie-trou-du-cul (désolé !), finissent dans les égouts.
Triste destin pour un arbre que de finir dans le trou d’un trône après avoir trôné dans la nature.
Plus triste encore est la gestion actuelle de nos déjections, qui contiennent des éléments rares et essentiels pour préserver les sols et la vie terrestre. Par exemple, sur la base de 1,2 litre d’urine et de 100 grammes de caca par jour et par personne, un couple avec deux ados produit en moyenne 2 tonnes d’engrais par an via ses déjections quotidiennes. Or, cette famille consomme aussi 50 tonnes d’eau potable pour s’en débarrasser, une eau qu’il faut ensuite dépolluer avec des produits chimiques, mais qui ne redeviendra pas pour autant potable. »
Le plancher des vaches
Rappelons-le, la terre nourricière (le plancher des vaches) est toujours considérée par nos lois comme une matière inerte et froide (source), alors qu’elle est le premier réservoir mondial de biodiversité, abritant plus de la moitié de la diversité biologique de notre planète : en moyenne 59 % (source). Et cette richesse biologique, tout à fait extraordinaire, dépend exclusivement de l’humus pour rester en vie !
Mais voilà, légalement, l’humus n’existe pas.
Pire, pour le législateur, c’est une vue de l’esprit !
HUMUS, un mot dévoyé
Ne serait-ce que le 27 décembre dernier, le philosophe Gaspard Koenig déclarait sur les ondes de France Inter : « Étymologiquement, humain, ça vient d’humus. » Ajoutant : « Toutes les grandes religions font sortir l’homme de la terre, de la glaise, de la poussière. » (source) On aurait préféré une source plus scientifique que biblique… car, aux dernières nouvelles, nous ne sortons pas de la terre, mais de l’eau ! Nos ancêtres étaient des poissons ! (Source)
Qui sait ? Peut-être qu’en des temps très anciens, des extraterrestres sont venus pour nous pêcher à la ligne (histoire de se détendre le gland) avant de nous faire griller au feu de bois et repartir dans l’univers. Peut-être ! Qui sait ? Une hypothèse nettement moins séduisante que d’être une création de Dieu !
Bref, Gaspard Koenig, l’auteur du roman Humus, prix Interallié 2023, s’était déjà piètrement illustré le 22 septembre 2023 sur France Inter en disant que l’humus mesurait de un à deux mètres de profondeur. Ça craint d’autant plus quand tu écris un livre sur le sujet… (source à 4min40)
Humus, humanité, humilité
Quel lien ? Aucun, en dehors d’une proximité phonétique et de croire que nous sommes le nombril du monde. L’Homme tout-puissant, sous-fifre du Tout-puissant, au point d’avoir cru pendant des siècles que la Terre était au centre de l’univers.
J’avoue que les bras m’en sont tombés en lisant, sous la plume de Frédéric Denhez, que les sols sont une création des hommes, une œuvre de l’esprit ! Et il l’a écrit dans une tribune publiée dans Reporterre le 29 avril 2019 : « Oui, les sols, parce qu’ils sont le fruit du long dialogue entre l’agriculteur, le climat, l’eau et la nature, sont une création des hommes, une œuvre de l’esprit au même titre que Notre-Dame. » (source) Le plus étonnant, c’est que Reporterre, Le média de l’écologie, d’ordinaire si tatillon, ait cautionné ce point de vue.
Humus, humanité, humilité est aussi le titre d’un livre de Pierre Rabhi sorti en 2018.
Les racines
- HUMUS : Emprunté au latin humus « sol, terre ». (source)
- HUMILITÉ : Emprunté au latin humilitas « qualité de celui qui est humble. » (source) Absence de fierté
- HUMAIN : Emprunté du latin humanus, « propre à l’homme ; bienveillant ; civilisé, cultivé ». (source)
Certes, les 3 mots commencent par les lettres H, U, M, comme humeur, humour, humide et même hum hum ! Mais c’est bien la seule chose qu’ils partagent. Et même s’ils partageaient les mêmes racines, ils ont été inventés par les Occidentaux à partir de la Bible écrite quelques siècles auparavant. Donc, rien de factuel.
Toutefois, ces élucubrations étymologiques, si séduisantes pour les âmes en quête de poésie et d’extra-ordinaire dans un monde si cruel, contribuent paradoxalement à la disparition de l’humus. Pourquoi ? Parce qu’elles l’invisibilisent. Posez-vous la question, — je la pose à la fin de mon ouvrage : « Entre nous, lorsque votre crotte fait plouf, que voulez-vous « crotter » d’autre à part du sol et, éventuellement, quelques produits de la mer ? »
L’humus, notre grenier à blé
Tout part de l’humus, et sa disparition est une très mauvaise nouvelle pour les générations futures. J’alerte, car l’étau se resserre, comme d’autres alertaient déjà au 19e siècle ! A l’exemple de Victor Hugo ou de cet ingénieur égyptien, F. Ventre Bey, qui écrivait en 1889 : « Il y a un élément de la question dont on parait ne vouloir pas s’occuper : je veux parler de l’humus. – On n’en parle jamais. Tous les agronomes ont démontré l’importance de cet élément… » (source)
Avant le développement des engrais chimiques, la sagesse paysanne disait : « Qui vend son fumier, vide son grenier, » un fumier qui incluait nos pipis et cacas… Dans mes prochains articles, j’expliquerai pourquoi nos déjections pourraient sauver l’humus, quelles sont les précautions pour les recycler, et la législation en vigueur.
L’Éloge du ver de terre n°1 est définitivement épuisé,
et il ne reste que quelques exemplaires du n°2.
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Bravo pour cet article passionnant qui met en lumière l’importance cruciale de l’humus pour notre écosystème ! Vous soulignez à juste titre l’urgence de préserver cette ressource essentielle et de repenser nos pratiques, notamment en ce qui concerne la gestion des déjections humaines.
Votre critique des idées reçues sur l’humus est pertinente et stimule la réflexion. Cependant, pensez-vous qu’il serait utile de proposer des solutions concrètes, accessibles à tous, pour intégrer les principes de recyclage de nos déchets organiques au quotidien ? Par exemple, des recommandations pour démarrer un compostage adapté en milieu urbain ou rural, peut être déjà abordé dans de précédents article cela dit… J’arpenterais votre site plus en détail prochainement !
Merci pour votre engagement et de rappeler l’importance de ce patrimoine vivant souvent méconnu et sans mauvais jeux de mots, trop souvent piétiné.
Bonjour,
Je vais beaucoup plus loin, dans mon prochain livre qui sort le 30 janvier, en évaluant toutes les solutions. Mais au-delà du compostage des déchets organiques, la « vraie » nourriture de l’humus, c’est nos déjections… Et c’est là que ça bloque par le dégoût qu’elles engendrent. Belle soirée