Cet article fait suite à celui sur l’agriculture naturelle (lien). Une agriculture qui naît au 19e siècle en réaction à la naissance d’une agriculture scientiste qui cherche à s’affranchir des lois naturelles. Il ne s’agit pas d’une agriculture naturelle au sens d’un retour à la nature, mais d’une agriculture qui coopère avec elle au lieu de lui faire la guerre.
Dans cette veine et à l’instar de l’agroécologie, on dit qu’elle serait plus résiliente par la sobriété de ses usages pour faire face au réchauffement climatique et à la mondialisation. On dit moins que le véritable problème est l’effondrement de la fertilité et la fin programmée du phosphore, un élément vital et non-renouvelable.
Avant de nous attarder sur le sens du mot « résilience », rappelons que l’agriculture n’est pas une industrie comme les autres et qu’il ne suffit pas d’augmenter les cadences de production comme dans une usine pour en augmenter les rendements. Or, elle est actuellement pensée comme telle, à l’exemple des élevages industriels de poulets, de cochons ou des grandes plaines céréalières ou betteravières.
À l’origine, la résilience est la capacité d’un matériau à résister à un choc ! Appliqué à un ressort, c’est sa capacité à revenir à son état initial. Le Dr Boris Cyrulnik va ensuite étendre sa définition à notre capacité à surmonter un choc et à nous reconstruire. Cette définition s’applique aussi à un animal après un abandon, ou à un arbre après l’avoir amputé de ses branches. En résumé, la résilience est donc la capacité à revenir à l’état antérieur à un choc.
Appliqué à l’environnement
Pour préserver leurs intérêts, les lobbies sont passés par là… et l’objet n’est plus de revenir à l’état initial, mais d’encaisser les coups comme un boxeur. Qu’importe si la nature finit KO… le législateur définit la résilience de l’environnement comme la « capacité d’un écosystème à résister et à survivre à des altérations ou à des perturbations affectant sa structure ou son fonctionnement, et à trouver, à terme, un nouvel équilibre. » J.O. du 12/04/2009. Survivre, un nouvel équilibre… comprenne qui voudra.
Appliqué à l’agriculture
L’État réduit la résilience agricole à des aides financières (argent public) pour encaisser le choc climatique ! Ce qui préoccupe l’État, ce n’est pas la résilience des sols, mais l’état économique ! Le dictionnaire de l’agroécologie n’est guère plus clair : « La résilience d’un système est sa capacité à s’adapter aux perturbations et à revenir à un régime de routine face à un environnement changeant marqué par les perturbations de nature et d’intensité variables… » (source) Reste juste à définir ce qu’est un régime de routine…
Un sol qui a besoin d’engrais chimiques pour être productif n’est pas revenu à son régime de routine. Rappelez-vous la conclusion de mon article sur l’agriculture naturelle : « Quand un sol a besoin d’engrais chimiques pour être productif, soit il est dégradé ou bien il n’était pas productif au départ, soit son cultivateur vise des rendements supérieurs à son potentiel naturel. » Et initialement, tous les champs étaient des forêts, un état auquel ils tendent tous à revenir ! En revanche, l’état post-forestier d’un sol est d’être fertile. C’est son état initial agricole. Et pour qu’un sol reste fertile, son humus doit être préservé.
L’humus, ce n’est pas la terre,
mais sa partie nourricière
Une agriculture sans humus n’a pas plus d’avenir qu’un arbre sans racines ou qu’un maçon sans bras !
De plus, dans un contexte où les sols sont lessivés, le climat bouleversé, les cycles de l’eau et du carbone perturbés, les exploitations agricoles hyper spécialisées, les élevages hors-sol, les rotations courtes et les monocultures, et sans oublier que les variétés proposées aujourd’hui aux agriculteurs sont sélectionnées pour consommer des intrants chimiques. Il faut bien faire marcher le commerce… Ils vendent même des voitures électriques jetables (source)… Jetables comme des ordinateurs, alors qu’ils étaient auparavant réparables ! On ne peut même plus changer la batterie. Bref.
Tels des prêtres derrière leur autel
Les bonimenteurs des réseaux sociaux et autres vendeurs de formations de bien-être prétendent qu’une agriculture résiliente et réconciliée avec la nature pourrait nourrir le monde ! Sans toucher au sol, oh, sacrilège… sans pétrole, sans pesticides, sans engrais, sans irrigation, sans rien faire. La Terre comme une mère et un sein que l’on tète sans se soucier du lendemain.
Qu’importe le nombre à nourrir, certains avancent le chiffre de 12 milliards, comme si les ressources nutritives de la planète étaient infinies, les sols fertiles, le climat non bouleversé… Et dans un contexte où nos besoins individuels ont littéralement explosé, une personne consommant aujourd’hui comme dix il y a 10 000 ans !
Bien dissimulés derrière un statut social ou des diplômes, la magie des réseaux fait que leur opinion devient vérité sans autre preuve que leur parole. Une sainte agriculture comparée à l’agriculture mortifère, celle de l’enfer… une agriculture à l’image du jardin d’Éden dans la mythologie judéo-chrétienne. Et ils sont d’autant plus persuasifs que les seuls radis qu’ils savent cultiver sont sonnants et trébuchants.
A leur décharge, on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, et le recrutement de fidèles exige certains raccourcis et arrangements avec la réalité. L’Église catholique a fait fortune en empruntant le même chemin : celui de la manipulation des consciences.
L’agriculture devrait être la science
du compromis et du juste milieu
Elle l’a été jusqu’à l’arrivée des engrais chimiques, et avant d’être pensée comme une ligne de production dans une usine. Elle l’a sûrement été parce qu’elle n’avait pas d’autre choix que de trouver ce juste milieu entre les animaux végétariens qui se nourrissent des cultures, et les animaux carnivores qui s’en nourrissent. Pour illustrer cette voie, je veux citer Jim Fergus, l’auteur de Mille femmes blanches (1998), et cet extrait de la conversation qu’il a imaginée entre le 18e Président des États-Unis d’Amérique et le Chef cheyenne Little Wolf, lors de leur rencontre à Washington en 1874.
« Nous n’avons jamais cherché à nous multiplier, car nous savons que la terre ne peut porter qu’un certain nombre d’entre nous, de la même façon qu’elle abrite seulement un certain nombre d’ours, de loups, de wapitis et d’autres animaux. Car s’il existe trop de bêtes d’une espèce donnée, elles meurent de faim jusqu’à ce qu’il s’en trouve à nouveau la bonne quantité. Nous préférons rester peu, mais avoir chacun suffisamment plutôt que de mourir de faim. »
L’agroécologie, c’ quoi
L’agroécologie, c’est l’agriculture ancestrale enrichie des connaissances scientifiques les plus récentes sur les sols et les écosystèmes. Extrait d’une tribune que j’ai publiée en juin 2022 dans Marianne : « L’agroécologie incarne à nos yeux une agriculture en harmonie avec la nature, une agriculture écologique et respectueuse de l’environnement. La loi dit qu’elle doit allier performance économique et compétitivité dans un contexte de compétition internationale. À savoir qu’elle doit rester intensive et conventionnelle avant de coopérer avec la nature… Lire la suite
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