Quelques jours après la création de la « Ligue de protection des vers de terre », Mathieu Vidard, l’animateur vedette de l’émission « La Terre au carré » sur France Inter, m’a invité à venir la présenter à son micro.
Étant indisponible, il m’a alors proposé une émission spéciale accompagnée d’une autre personne. Je lui ai suggéré l’une des voix innovantes de la géodrilologie, Céline Pelosi, une amie, formée à l’école de Patrick Lavelle, un maître en la matière, un ami.
L’émission a été diffusée en direct le 10 juin dernier, et elle avait été préparée avec le plus grand soin – c’est si rare aujourd’hui – par l’une de ses assistantes : Joëlle Levert. Pour l’anecdote, une éleveuse de vaches highlands…. Un grand merci à toute l’équipe : ÉCOUTEZ (55min)
Titre de l’émission : Les supers pouvoirs des vers de terre
Au sujet du superlatif, je me suis déjà exprimé il y a un mois dans « Les supers pouvoirs des vers de terre, oui, mais lesquels ?« . Les vers de terre n’en ont pas plus que les abeilles, les hirondelles ou les renards, leur seul pouvoir étant de fouir, turbiner, agréger, brasser et aérer le sol ; et d’être le fourrage d’une grande partie de la biodiversité animale. Ce dernier point a été peu abordé durant l’émission, par manque de temps, mais il pourrait faire l’objet d’une autre tant il est négligé dans la sauvegarde de la biodiversité.
La poudre de vers de terre !
Rappelons qu’au fil de l’histoire, les vers de terre ont été tantôt sacralisés, ignorés, méprisés, voire chassés. Par exemple, quand l’Église catholique romaine régnait sur la France d’une main de fer, elle les considérait comme des parasites. À la fin du Moyen Âge, on allait jusqu’à utiliser un poison à base de vert-de-gris, la patine verte qui se forme sur les objets en cuivre, pour les éradiquer. Plus d’infos dans mes ouvrages.
Le seul usage que l’on ait fait des vers de terre jusqu’au 19e siècle, outre de les utiliser comme appât pour la pêche, était de les réduire en poudre… pour soigner les blessures ou lutter contre la jaunisse. Source : Dictionnaire Godefroy de l’ancienne langue française (1881-1902). Il fallait bien les laver, les sécher, puis mélanger une pincée de cette poudre avec une bonne cuillère de vin blanc pour traiter la jaunisse ! Olivier de Serres, Th. d’agri., VIII, 5, éd. 1603.
Biomasse
La biomasse, c’est la masse biologique ou le poids de la matière vivante. Dans un sol, on trouve de la matière vivante, animée, de la matière morte, inanimée, appelée aussi matière organique ou carbonée, et de la matière minérale, inerte. La page de présentation de l’émission commence par cette phrase : « Les vers de terre représentent 80 % de la biomasse vivante du sol. » Une erreur qui aurait du être corrigé, car les vers de terre ne représentent que 80 % de la biomasse animale vivant dans les sols, et non de la biomasse totale qui comprend les microbes et les racines.
Un rapport de 1 à 5
1 kg de vers de terre pour 5 kg de microbes
Extrait de l’Éloge du ver de terre, tome 2 : « Que trouve-t-on dans l’habitat des vers de terre ? De la matière minérale et organique (morte et vivante), beaucoup de racines, bactéries, champignons, peu d’animaux, quelques mammifères, des insectes, des crustacés et beaucoup de vers, dont les vers de terre. On y trouve aussi de l’air et de l’eau. Le rapport est de 1 à 5 : pour 1 kg de vers de terre, 5 kg de microbes. Il s’agit bien entendu d’une estimation statistique d’un sol nourricier moyen, vivant et préservé de la chimie. »
Céline Pelosi
Directrice de recherche à l’INRAE d’Avignon et écotoxicologue, elle se présente en début d’émission comme géodrilologue. Un géodrilologue, c’est un ou une scientifique spécialisé dans l’étude des vers de terre en général. Pour ma part, je me présente comme lombricologue, car je les étudie dans leur rapport à l’agriculture. Extraits de l’émission :
Céline : « Les vers de terre permettent de modifier la porosité des sols en modifiant les vides, ils sont importants pour le passage de l’eau. Ils participent à la régulation des flux d’eau et évitent les ruissellements et l’érosion des sols. Leurs activités jouent sur le passage de l’air, et la pénétration plus facile des racines dans les sols. Outre ces aspects physiques, ils vont avoir un rôle sur la formation de l’humus, la partie fertile des sols : ils vont mélanger des matières minérales venant de la roche, avec des matières organiques en décomposition à la surface. Cela forme le sol, la couche fine qui nourrit la planète… »
Pour ma part, j’ai dit que la première cause de mortalité des vers de terre est les sols nus, le labour profond et, indirectement, les engrais chimiques : « Avec les engrais chimiques, on augmente les rendements, mais on court-circuite la nature. » Sans oublier tous les outils tournants tels que les rotavators et les herses rotatives, qui en font de la chair à pâté, et certains pesticides.
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L’Éloge du ver de terre N°1 est épuisé et ne sera pas réédité ; le N°2 sera bientôt épuisé : en libraire ou dans notre boutique.