« Sur le front : Enquête sur la terre qui nous nourrit » est un documentaire présenté par Hugo Clément et qui a été diffusé le lundi 18 mars sur France 5. [REVOIR] Un film qui met en avant les vers de terre et Céline Pelosi, directrice de recherche à l’INRAE d’Avignon et écotoxicologue, une pointure de la géodrilologie. C’est sous sa houlette, qu’avec Marcel B. Bouché et Gaspard Koening, nous avons écrit la tribune publiée dans Le Monde du 12/10/2023 : « Les vers de terre sont des alliés plus précieux que le glyphosate pour la santé de notre planète et de ses habitants. » [LIRE]
Une première partie top
Top et d’autant plus éducative qu’elle s’appuie sur des ressources scientifiques. À l’exemple de l’expérience toute simple réalisée par Céline et qui montre concrètement le travail des vers de terre [VOIR]. Les téléspectateurs n’ont pu que se régaler à une heure où leur intérêt agronomique est régulièrement mis en doute. Cette séquence de 2 minutes mériterait à elle seule d’être diffusée dans toutes les écoles et les lycées agricoles afin de faire taire ses détracteurs.
Rappelons que l’un d’eux a récemment expliqué qu’il n’y avait pas de crise de la biodiversité… dans une émission de vulgarisation scientifique ! [source] La même émission où il expliquait un an auparavant que les vers de terre qui créent la fertilité ne servent à rien : «… ce sont des petits qui creusent des galeries horizontales, et qui ne sont d’aucune utilité pour la fertilité des sols. » Lire : Le jour où « La Terre au carré » a flingué les vers de terre !
« 89% du sol agricole français serait dégradé. »
C’est le chiffre avancé dans le doc, j’en étais resté à 60 % au niveau européen [source]. Tout dépend où le curseur est placé, le conditionnel est utilisé, comme si ce pourcentage n’était pas avéré, mais supposé. J’ai demandé les sources, je n’ai pas eu de retour. J’ai été également surpris que le film fasse l’impasse sur les polluants éternels et les microplastiques.
Moins fun que les pesticides et le labour sur le plan médiatique… mais bien pire, car irréversible à l’échelle humaine ! Les vers de terre mangent du sol gavé de micro et nanoparticules de plastique, les plantes mangent leurs cacas, les oiseaux mangent les vers de terre… Bref, les sols agricoles sont aujourd’hui plus pollués par les plastiques que les océans ; et les vers de terre contaminés au même titre que les poissons. Les premières études qui tombent sont dramatiques, je travaille sur le sujet.
Le piège des solutions
Tout document télévisuel se doit de proposer des solutions. Pour le plastique, trop tard, pas de solution, à moins de créer des robots souterrains pour filtrer la terre comme on filtre les eaux. Trop tard également pour le phosphore, une véritable tragédie, la deadline est fixée, un élément vital aussi important que l’oxygène, aucune solution. Trop tard pour la matière organique, on en manque, et le peu que nous avons est transformé en gaz et électricité !
Il y a une constante dans notre histoire : l’humanité est toujours persuadée que demain sera la fin du monde. Mais voilà, la donne a changé, le moment est exceptionnel, la population a été multipliée par 8, nos besoins par 5… Ainsi, pour lutter contre la dégradation des sols, le film présente les biostimulants comme une solution d’avenir ! Le premier avantage d’un biostimulant, c’est qu’il suffit de dire que le produit est un biostimulant pour qu’il le soit ! Aucune norme, aucune validation scientifique [source] le secteur est en pleine expansion, puisqu’on peut produire beaucoup de produits avec peu de matière ; l’exact contraire de la fertilisation agricole.
Qu’est-ce qu’un biostimulant ?
C’est un produit qui ne nourrit ni le sol ni la plante, mais qui les stimule [source]. Par exemple, lors du Tour de France, les spectateurs stimulent les coureurs dans les cols. Et ça marche, sauf si le coureur n’a plus de jus ! Les sols n’ont plus de jus.
Stimuler ou dynamiser, l’idée voit le jour la première fois en 1924 sous la plume de l’évangéliste Rudolf Steiner, créateur de la méthode bio-dynamique. Et elle le voit en réaction à l’arrivée des engrais chimiques ! L’un des biostimulants présentés dans le documentaire est à base d’urine, l’autre de compost.
Stimuler ce qui n’a plus de jus n’a pas sens. On ne stimule pas un mourant. Il faut remettre du jus dans les sols en nourrissant les vers de terre et toute la faune microbienne, et ensuite on stimule pour ceux qui y croient.
La seule et unique solution pour soigner un sol
C’est de nourrir ceux qui nourrissent les plantes qui nous nourrissent. C’est de résoudre la première cause de mortalité des vers de terre : la faim. Cf. Éloge du ver de terre N°2 : « Chimiques ou mécaniques, toutes les causes s’ajoutent et s’entretiennent mutuellement pour dégrader les populations de vers de terre. Mais une les domine toutes : c’est la faim. Alors, au titre des urgences, la première serait de les nourrir, la seconde d’arrêter de croire que leur habitat est éternel. »
Le problème
Il n’y a plus assez de nourriture pour nourrir ceux qui ont le pouvoir de réparer, soigner et régénérer le sol qui nous nourrit. Pour « remédier », on a recours à des engrais chimiques qui accélèrent la dégradation des sols ! Voilà la spirale morbide dans laquelle l’humanité est entrainée, enfermée, tel l’eau dans un siphon. Le reste n’est que leurre.
PS. Il y a plus de 25 ans, à l’époque où j’étais réalisateur de docs, à l’exemple de celui-ci, multiprimé, j’avais écrit : Il ne fallait pas mettre la charrue avant les bœufs ! Un film où je dénonçais justement l’absence de solutions, mais je n’ai jamais pu le tourner pour cette raison, parce qu’il faut toujours « vendre » de l’espoir comme un prêtre derrière son autel.
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L’Éloge du ver de terre N°1 est épuisé et ne sera pas réédité. Le N°2 devrait être épuisé d’ici cet été, quid de la suite ? Les livres sont notre seule source de financement, en libraire ou dans notre boutique.