Ne jamais se fier aux apparences : ce n’est pas le ver de terre qui traverse la route, c’est la route qui traverse son champ ! J’ai croisé cette semaine plein de vers de terre sur une petite route bétonnée lors d’une journée bien arrosée. Plein, mais uniquement de la même espèce : des lombrics terrestres. Logique, ce sont des épi-anéciques, des vers de terre qui vivent dans et sur le sol, je vous explique.
Épi-anécique
La science classe les vers de terre en 3 catégories selon leurs niches écologiques. Les épigés vivent à la surface du sol, à l’exemple des vers de compost ou de fumier. A l’opposé, les endogés vivent exclusivement dans le sol et sont de couleur claire contrairement aux épigés bruns ou rougeâtres. Les seuls vers de terre à vivre dans des galeries permanentes et verticales, appelées aussi terriers, sont les anéciques, généralement des vers de terre de grande taille. Mais ces catégories ne sont pas strictes, un extrait du livre Sauver le ver de terre (2020) :
« Pendant les neuf premiers mois de sa période juvénile, le lombric terrestre vit dans le sol comme un endogé. Une fois adulte, il se nourrit à la surface du sol comme un épigé. On parle alors d’épi-anécique, puisqu'il vit dans un terrier et en sort parfois pour faire ses besoins, manger, se reproduire, se balader, migrer ou fuir... »
Lumbricus terrestris
Il est fascinant de constater que ce lombric, Lumbricus terrestris, a été étudié dès les premiers jours de la science moderne. Premier animal sauvage étudié d’un point de vue éthologique, il était déjà en 1837 au cœur d’une conférence de Charles Darwin devant la Société géologique royale de Londres. En 1838, il faisait l’objet d’une première publication, puis en 1842, il est le sujet de la thèse de doctorat du naturaliste allemand Werner Hoffmeister. Il est le seul ver de terre à cultiver une partie de sa nourriture. Oui, à la cultiver, comme on peut le VOIR dans cette vidéo où il prépare son terrain !
Conversation avec un ver de terre !
Comme vous le savez, j’ai eu la chance de pouvoir bavarder avec un ver de terre dans ses Éloges 1 et 2 ! Les mauvaises langues diront que c’est une conversation imaginaire, laissez-les dire…
— Pourquoi s’y aventurer ?
🪱 « C’est le monde à l’envers, pourquoi avoir mis des routes chez nous ?
— Pour nous déplacer plus vite.
🪱 « Et nous, comment fait-on pour se déplacer ? On ne peut même plus mettre le nez dehors sans tomber sur du béton ou du goudron. »
— Je tente cette explication.
Que font-ils sur nos routes ?
Nous voyons les vers de terre comme des sédentaires, absorbés par une vie ingrate de mineur de fond, mais les voyons-nous bien ? Quand le temps est propice, gris, humide ou pluvieux, en avant toute. Qu’importe les obstacles. J’en observe même qui enjambent ma serre ! 7 mètres de plastique à franchir avec une façade nord bien abrupte et une piste noire au sud. À leur décharge, le nez dans le guidon, difficile pour eux de prendre de la hauteur pour estimer l’étendue de ce no man's land. Une fois embarqués, ils cherchent par tous les moyens à s'en échapper, reniflant la moindre fissure comme un éventuel passage secret, palpant avec leur gueule chaque creux ou aspérité, explorant minutieusement feuilles et petits morceaux de bois dans l’espoir d’y découvrir une porte dérobée…. La suite dans le livre.
Ce monde est curieux
L’éloge du ver de terre N°1 est épuisé et ne sera jamais réédité. Le N°2 devrait l’être d’ici cet été, quid de la suite ? À noter que depuis le succès du N°1, aucun éditeur n’a manifesté le moindre intérêt pour le sujet, comme s’il était épuisé !
Le ver de terre, grand absent du Salon de l’agriculture 2024, Erik Orsenna, chantre de l’agriculture productiviste, présent de tous les débats et dans tous les médias, le sens m’échappe. En « réaction »… le lundi 22 avril, lors de la Journée internationale de la Terre nourricière 2024, La Ligue de Protection des Vers de terre sera lancée. Son objet : agir pour leur préservation et la réhabilitation de leur habitat dans le modèle agricole.
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