« Miroir, ô mon beau miroir, dis-moi qui est le plus… » Non, je n’ai pas sombré dans l’idolâtrie de moi-même, que le ver de terre m’en protège ! Juste un coup de projecteur sur mon travail, et, par écho, sur eux.
« L’homme qui parle au nom des vers de terre », AFP ; « L’avocat des vers de terre, Le Télégramme ; « L’homme qui murmure à l’oreille des vers de terre, » Paris Match Belgique. Quand le second tome de l’Éloge du ver de terre paraît en avril 2023, le monde médiatique me voit sous cet œil. Et effectivement, je dois bien être le seul sur cette planète à donner tous les mois de leurs nouvelles ; ce pourquoi je suis devenu leur représentant. Par ailleurs, le 17 octobre prochain, soit 3 jours avant la Journée mondiale des vers de terre, Le Jardin vivant fêtera ses 10 ans !
Je n’ai pas pris le meilleur cheval !
Il vaut mieux défendre la cause du loup, de l’ours, de l’éléphant, voire du hérisson ou du renard, car les vers de terre sont au bas de l’échelle sociale animale. Et quand ils ne sont vus comme de vulgaires appâts pour la pêche, ou de la nourriture pour les poules et les oiseaux, nous ne les voyons pas, notre sécheresse d’âme est immense à leur envers. Porter la cause des vers de terre, c’est souvent n’être pas mieux vu, La Ligue de protection des vers de terre n’aura jamais la même aura que la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
Ce n’est pas moi qui ai pris le ver de terre,
c’est lui qui m’a pris…
« Quant à mon engagement envers les vers de terre, ce n’est pas mon choix… /… J’ai écrit et filmé sur de nombreux sujets liés à la planète, l’agriculture, la ruralité, et un jour, le public vous choisit comme le porte-parole du ver de terre. Alors vous surfez sur lui pour parler des oiseaux, des poissons, des sols, de la condition humaine… Même si ça semble curieux, on ne choisit pas. » Extrait d’une interview publiée ce mois-ci dans L’Oiseau mag, l’excellente revue de la LPO.
Pourquoi se consacrer aujourd’hui au ver de terre ? me demande Cécile Bruderer, la rédactrice en chef adjointe.
Probablement en représailles à ce spécisme qui considère les animaux vivant dans le sol comme inférieurs à ceux qui vivent sur le sol ! Peut-être en l’honneur de mon grand-père illettré qui m’a appris à écouter la nature et à l’observer avec la patience d’un pêcheur à la ligne, contrairement à l’autre, lettré, qui ne voyait la réussite qu’à travers les diplômes et la reconnaissance sociale. Dans mes articles et mes livres, le ver de terre est une porte d’entrée pour discuter du monde, un point d’appui tout comme peuvent l’être l’abeille, le renard, l’ours, le loup ou le rouge-gorge… /…
Que pouvez-vous nous dire sur les vers de terre ?
Qu’ils forment un monde aussi diversifié que celui des mammifères, des oiseaux ou des poissons ? Ça étonne toujours, mais un lombric terrestre, un endogé et un ver de compost partagent peu ou pas grand-chose. L’un vit dans un terrier comme un renard, atteint sa maturité sexuelle au même âge et peut vivre aussi longtemps, quand l’autre a une durée de vie courte et un taux de reproduction très élevé, passant le plus clair de son temps à bêtement se remplir la panse de déchets végétaux… Et que dire d’un endogé qui passe sa vie à avaler de la terre pour en digérer la partie organique ! Tous les vers de terre n’ont pas le même régime alimentaire, et quand le lombric terrestre est doté d’un cerveau, les autres n’en possèdent pas au sens où on l’entend. Mais la comparaison ne s’arrête pas là, car le lombric terrestre est capable de faire une chose rare dans le monde animal : cultiver sa nourriture comme certaines espèces de fourmis et de termites. Et ça, nous le savons depuis près de 200 ans… /… Voir comment ce lombric est vif lors d’un accouplement.
Quelles sont les causes de la disparition des vers de terre ?
La disparition des vers de terre des champs cultivés est directement imputable à l’arrivée de la chimie de synthèse dans l’agriculture. Il y a un avant et un après. Avant les engrais chimiques et la spécialisation des exploitations agricoles, tous les agriculteurs nourrissaient de facto la vie dans leurs sols. Entre autres, par la technique de la culture intercalée, avec les fumiers et le recyclage de tous les déchets de culture, les rotations et les jachères. Mais la chimie a fait naître la technique du sol nu, une invitation à l’érosion.
Et l’érosion trouve son origine dans la disparition de l’habitat du ver de terre et des sols vivants. Mais le bouleversement climatique accélère aussi l’érosion des sols et la disparition des vers de terre, comme notre manière de faire aujourd’hui de l’agriculture. Ces faits sont bien établis et documentés scientifiquement depuis longtemps.
Quelles satisfactions retirez-vous de votre implication ?
Je n’en retire aucune, ce n’est pas mon but. Il serait insensé d’en tirer quelques glorioles vu l’état de notre planète. Tous les combats pour sauver la nature ne sont qu’une accumulation de batailles perdues. Plus de la moitié de l’habitat des vers de terre est aujourd’hui dégradé ou a disparu… /… La suite est à lire dans L’oiseau mag.
Quant à mon rôle d’avocat…
Je le prends très au sérieux, puisque je suis en train de rédiger la plaidoirie de leur défense pour l’association Neuvy Ecobio qui a décidé de monter au créneau pour réclamer à l’État leur reconnaissance juridique.
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