« On a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres. » Voltaire, 18e siècle. Au 21e, on n’a rien trouvé de mieux, un tiers des agriculteurs français vivant en dessous du seuil de pauvreté ! Vivant, mais pour combien de temps encore ?
Cette révolte s’inscrit dans la lignée de celle des Gilets jaunes : même goutte de trop, même ras-le-bol, même date… 14 nov. pour les uns, 17 nov. pour les autres. C’est la troisième émeute sociale depuis 2017 avec celle des quartiers en juin 2023, un soulèvement vite repris en main par un membre de la cour présidentielle. En effet, ça fait bizarre d’apprendre que le Président Macron a travaillé pour la multinationale dirigée par le président de la FNSEA (source). Jusqu’à en être l’invité surprise lors de la soirée anniversaire des 40 ans de la firme le 30 mai 2023. (source).
Ce n’est pas un poisson d’avril,
mais c’est un gros poisson
La multinationale en question, c’est Avril, 5e groupe agroalimentaire français, 73 sites industriels dans le monde, spécialisé dans l’investissement, l’énergie, le conseil et n°1 des huiles alimentaires en France. Quant au Président Macron, il y a travaillé du temps où il était banquier d’affaires. Bref, le 1er février 2024, le PDG d’Avril et président de la FNSEA a sifflé la fin de la révolte suite à l’annonce du Premier ministre de supprimer le plan Écophyto. Écophyto, c’était le plan de réduction des pesticides lancé en 2008 sous la présidence Sarkozy !
Eh oui ! l’idée de réduire les pesticides pour protéger la planète et la santé des Français vient de la droite dure et d’un adversaire acharné de l’écologie et de l’agroécologie… on y perdrait vite son latin.
Retour vers le futur
La déréglementation des pesticides est une revendication de longue date de la FNSEA. Elle a obtenu gain de cause, elle demande la levée des barrages, logique. Et maintenant que la porte est ouverte, un recul important va pouvoir s’opérer en douceur au nom de la souveraineté alimentaire… le nouveau leurre pour duper les politiques. Comment être souverain sans engrais et sans carburant pour alimenter les moteurs pour y parvenir ? Outre que le phosphore et l’azote sont considérés comme des ressources stratégiques pour la France, car sans solution de remplacement, nous sommes dans une situation de dépendance totale ad vitam æternam.
À cette heure, le plan de réduction des pesticides est donc supprimé suspendu et suspendu à ce principe : « Pas d’interdiction sans solution. » Pour les néonicotinoïdes, en agriculture industrielle, les OGM sont la solution… Au début, ça fait la farce, puis le remède est pire que la solution. Par ailleurs, les géants de l’agrochimie disent faire partie de la solution. D’ailleurs, qui, en dehors d’eux, a les reins assez solides pour trouver des solutions ? Certainement pas l’État qui réduit sa voilure partout au nom de la dette… Comprenne qui voudra. L’idée des Géants est de remplacer des produits par des produits pour accroître la dépendance des agriculteurs et des populations… histoire de devenir nos souverains tout-puissants !
… Etc.
Retour sur les évènements
Le 29 octobre 2023, quelques agriculteurs du Tarn retournaient les panneaux d’entrée de leurs communes. Trois mois plus tard, la colère agricole est nationale, les autoroutes bloquées, des manifs partout, Paris est assiégée. L’opération est baptisée « On marche sur la tête », et, au départ, les auteurs voulaient juste créer le buzz pour interpeller les pouvoirs publics.
Une première manifestation réunit le 14 nov. 2023 quelque 300 personnes et une centaine de tracteurs dans les rues d’Albi, la préfecture du Tarn. À l’instar du mouvement des Gilets jaunes en 2018, la taxation du gazole est donc la goutte de trop. Lionel Aussenac, secrétaire général du syndicat des Jeunes Agriculteurs du Tarn est à la tête d’une ferme de 50 vaches laitières à Castres : « Il y a un mal-être dans les campagnes, un ras-le-bol général. Est-ce qu’on veut encore de nos agriculteurs en France ? Les enfants ne reprennent plus les exploitations, c’est beaucoup de travail et on a du mal à sortir un salaire », explique-t-il ce jour-là à l’Agence France-Presse.
C’est l’incompréhension…
Les compagnies aériennes font voler leurs avions avec du carburant détaxé, le gouvernement va taxer leur carburant ! Mais ce que les agriculteurs ne savent pas, c’est que cette taxe a été approuvée par la FNSEA… en échange d’avantages fiscaux pour les céréaliers et betteraviers producteurs de biocarburants ! Déclaration du ministre de l’Économie le 26 octobre 2023, soit 3 jours avant le départ du feu : « Il nous a fallu quasiment 8 mois, tous ensemble, pour parvenir à un accord. Mais il vaut mieux prendre 8 mois, dialoguer et avoir un accord collectif que de se précipiter à faire des effets de manche…/… La méthode qui passe par la précipitation vous met dans le fossé. La méthode qui passe par le dialogue permet de construire sur le long terme. » (source)
Effectivement, cette méthode qui consiste à pénaliser tous les agriculteurs au bénéfice de quelques-uns va coûter très cher aux contribuables vu l’étendue des dégâts lors des manifestations : des millions d’euros au bas mot. Publiée le 29 janvier, la suite est à lire dans Marianne.
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