Tuer systématiquement les renards, c’est comme tuer les abeilles ou les vers de terre. Ni les uns ni les autres ne se mangent, cette activité va à contresens, et elle est même contre-productive pour les chasseurs ! Sauf si le projet est de les exterminer, comme certains le réclament pour les loups, la loi est muette à ce sujet.
Quant au prétexte de santé publique, qui justifierait de les abattre massivement, la très sérieuse Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, un établissement public reconnu mondialement pour ses expertises, elle l’a balayé d’un revers en juin 2023 dans un épais rapport de 220 pages : plus rien ne justifie de les abattre pour « des motifs globaux de santé publique, humaine comme animale. » (source)
Renard Roux du Yellowstone, Wyoming, USA, 2014. Merci à Laurent Baheux, l’un de nos plus grands photographes animaliers, celui qui sait capter l’âme des animaux avec le même talent que Robert Doisneau captait celle des gens de peu. www.laurentbaheux.com
On parle d’un demi million de canidés abattus par an
Leur particularité, c’est que plus on en tue, plus ils se reproduisent… c’est un engrenage sans fin. Comme la plupart des prédateurs, le renard roux est un animal territorial qui n’est pas partageur. Autrement dit, il a un territoire de chasse qu’il va défendre bec et ongle. Et s’il est abattu, il libère une place, contrairement au lapin ou à la souris qui peuvent pulluler sur un même territoire. De plus, le nombre de renards dans une région est conditionné par la disponibilité de la nourriture et les autres prédateurs présents. Par exemple, le loup est un concurrent direct du renard… mais il mange également du renard !
Le premier ennemi du renard, c’est…
Dans son magnifique documentaire, Marche avec les loups, le réalisateur et fin spécialiste de ces animaux, Jean-Michel Bertrand, dit : « Le premier ennemi du loup, c’est le loup ». En effet, quand le jeune loup quitte sa « famille », il doit trouver un territoire de libre pour s’installer, ou bien se battre pour en conquérir un. Finalement, un peu comme nous… 330 000 personnes en France n’ont pas de territoires, dont 2 000 enfants. On les appelle des SDF et ils dorment dans la rue. Si le premier ennemi de l’Homme, c’est l’Homme, du loup, le loup, le premier ennemi du renard, c’est le renard.
L’alternative aux renards, ce sont les pesticides
Avec tous ces retraités… qui peuvent le chasser et le trapper quasiment jour et nuit tous les jours de l’année, trop de territoires sont libérés. Résultat, quand les renards viennent à manquer, les souricides les remplacent ; des pesticides qui vont empoisonner par ricochet des espèces strictement protégées à l’exemple des chouettes, des hiboux ou des couleuvres. Écoutez Michel Pritzy, cet agriculteur est passé des pesticides au renard !
Attention à ne pas mettre tout le monde dans le même sac. Tous les chasseurs ne sont pas des tueurs de renards, certains s’y refusent. Et fort heureusement, car si les renards disparaissaient, ce serait une catastrophe écologique à la clé.
Le renard peut capturer jusqu’à 20 « souris » par jour
Le renard roux n’est pas un carnivore au sens strict, les canidés n’étant pas des félins, ils se nourrissent de tout ce qu’ils trouvent : fraises, framboises, pommes… mais aussi coléoptères et vers de terre ! Ils peuvent s’en enfiler jusqu’à 4 à la minute. Ah, les barbares… de vrais blaireaux : Mais leur péché mignon, c’est le sang frais des souris.
Le mot « souris » désigne ici un ensemble de petits rongeurs végétariens (campagnols, mulots…) À partir de l’analyse de leurs contenus stomacaux, nous savons que 80 % de leur alimentation en est constitué (source). Soit 145 kg par an ou 3.000 têtes de « souris », parfois le double, sur les 180 kg de nourriture ingurgitées par le renard.
Des « souris » qui mangent jusqu’à 50 kg de plantes par an !
Pour faire simple, en agriculture, les animaux végétariens se nourrissent des cultures quand les animaux carnivores et omnivores se nourrissent de leurs collègues végétariens… À la louche, un végétarien consomme entre 50 et 100 % de son poids tous les jours. Et plus il pèse lourd, plus il consomme, à l’instar du campagnol terrestre, Arvicola terrestris, qui peut manger jusqu’à 50 kg de végétaux par an.
Des « souris » dotées d’un bel appétit sexuel
50 kg par an, on imagine tout de suite l’impact sur les cultures, d’autant que notre campagnol a un taux de reproduction de 1 pour 50 ! Un couple peut donc engendrer jusqu’à 100 nouveaux campagnols par an… 100 qui peuvent en faire naître 5 000 l’année suivante. Et ainsi de suite, c’est un engrenage si les populations ne sont pas régulées par une communauté de prédateurs : couleuvre, rapaces diurnes et nocturnes, renard…
Selon le docteur Denis Richard Blackbourn , d’autres espèces sont moins gourmandes, comme le campagnol des champs, Microtus arvalis, 8,5 kg par an, ou le campagnol agreste avec 11 kg par an. En métropole, sur les 13 espèces recensées, trois s’intéressent particulièrement aux cultures. (source)
Mon point de vue est strictement agricole
Sans vouloir les mettre en concurrence, nous avons d’un côté le loup et l’ours dont les dégâts agricoles coûtent des millions d’euros tous les ans, de l’autre, un auxiliaire précieux pour une agriculture durable et qui est pourchassé tout l’année comme la pire des espèces. Et pourquoi la politique qui s’applique à l’ours et au loup ne s’appliquerait-elle pas au renard ? Pour service rendu à la Nation, l’État indemnisant les rares dégâts qu’il peut commettre chez les éleveurs de poules en plein air.
Parlons chiffres !
L’agriculture contemporaine favorise les souris au détriment de ceux qui s’en nourrissent. L’arrachage des haies et des bois a donné un avantage considérable aux rongeurs, de même que le non-labour et les couverts permanents. Et autant on peut facilement les trapper pour les réguler dans un jardin, autant en agriculture, quand le renard se fait rare, seule la charrue permet de bouleverser leur habitat et limiter leur développement. En non-labour et dans les prairies permanentes, on a recours (avec autorisation) à du poison, mais une fois ingurgité, il contribue à empoisonner leurs prédateurs. Pas mieux en bio où on utilise du tourteau de ricin (sans autorisation) pour les empoisonner, une chaîne sans fin.
Selon les régions et les itinéraires techniques, la seule présence de maître renard et de son orchestre permet à l’agriculteur d’économiser la somme de 2 400 € par an. A méditer.
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