Quasiment deux études publiées chaque semaine depuis 1974, un record mondial. Source Web of Science. Et bien qu’aux premières loges, seulement une soixantaine se sont penchées sur les effets du glyphosate sur les vers de terre, c’est très peu.
L’une des plus récentes, dirigée par Céline Pelosi, directrice de recherche à l’INRAE d’Avignon et écotoxicologue, révèle une forte bioaccumulation de glyphosate chez les vers de terre (Pelosi et al., 2022). Mais voilà, la bioaccumulation, ou la concentration des produits dans les chairs et les organes, n’est ni prise en compte dans l’évaluation des produits ni considérée comme un facteur toxique.
Le temps fait aussi le poison
La législation en vigueur ne prend pas en compte que le temps long fait aussi le poison par bioaccumulation. Et pour les vers de terre, toutes les études vont dans le même sens depuis 30 ans : le glyphosate n’est pas mortel pour eux, mais il a des effets délétères sur leur ADN, leur croissance, leur reproduction et leur comportement, comme le rapportent les auteurs d’une tribune publiée dans Le Monde du 12 octobre. À long terme, ça entraîne une réduction des populations et de ceux qui s’en nourrissent. C’est un processus lent, similaire au réchauffement climatique, puis, tout d’un coup, tout s’accélère.
Comme pour la bagnole
Les amoureux de l’auto mettront en avant le gain de temps pour se déplacer, les opposants qu’elle pollue et réchauffe le climat. Les amoureux ne prendront en compte que les morts sur le coup pour démontrer que c’est un moyen de locomotion peu dangereux, les opposants y ajouteront les morts survenus quelques jours, quelques semaines ou quelques mois après. Les amoureux du glyphosate diront : je ne laboure plus, je protège les sols, je stocke du carbone, je lutte contre le réchauffement climatique et j’ai plein de vers de terre dans mes sols.
Sur le coup, l’opinion publique associera la bonne santé des sols au glyphosate. Et effectivement si on le compare à un autre herbicide, le 2,4-D, qui a été ré-autorisé sans aucune contestation ni controverse jusqu’en 2032, alors même qu’il est 100 % mortel pour les vers de terre selon une étude publiée le 24/07/2010 (source). Et pour contextualiser, 1034 herbicides sont autorisés en France, 38 sont des bio-contrôles, les moins toxiques, 23 sont à base de glyphosate et tous les autres creusent le même sillon que le 2,4-D.
Jusque dans les couches-culottes des bébés
« Interdire le glyphosate sans interdire les herbicides, le remède serait pire que le mal. » Quant tu écris ça, tes propos sont censurés par le dogme ambiant qui réclame un avis tranché et radical sur le sujet. A l’instar du rédacteur en chef d’un journal parisien qui m’écrit cette semaine : « Désolé, on ne pourra pas te publier, sujet trop sensible ! »
« Le glyphosate n’est que l’arbre qui cache la forêt des herbicides… les autres sont tellement plus redoutables ! !!! » Le glyphosate, le seul pesticide qui permet de ne pas labourer en grandes cultures, mais le big problème, c’est qu’il est partout, jusque dans les couches-culottes des bébés ! Et avec des conséquences inconnues dans le futur sur la santé.
Pilier de l’agriculture sans labour
L’Union européenne devait à cet effet voter sa ré-autorisation le 13 octobre dernier, mais en raison de désaccords sur les modalités, la décision a été reportée à la mi-novembre. Toutefois, elle devrait logiquement renouveler son autorisation, car de nombreux pays ont fondé leur modèle agricole sur cet herbicide. À l’image de la France où l’interdire reviendrait à réécrire la feuille de route de l’agriculture jusque dans nos lois. Et en particulier celle du 13 octobre 2014, la loi d’avenir pour l’agriculture, qui définit la mise en œuvre de l’agroécologie, le glyphosate étant l’un de ses outils, un qui permet aussi de lutter contre le réchauffement climatique !
En effet, bien que l’agriculture soit la deuxième source d’émissions de gaz à effet de serre après les transports, elle peut également stocker du carbone : « L’agriculture a un fort potentiel de stockage du carbone dans la biomasse, mais aussi dans les sols… Elle est donc centrale pour répondre au défi de la décarbonation. » Ministère de l’Agriculture – 23/09/2023. Et au cœur de cette réponse, le glyphosate, clé de voûte de l’agriculture de conservation des sols et du dispositif « 4 pour 1000 » qui vise à augmenter les stocks de carbone dans les sols de 0,4 % par an. Pour cela, on diminue l’oxygénation des sols en remplaçant la charrue par du glyphosate.
Un gain de productivité exceptionnel
Ce gain est la raison pour laquelle beaucoup d’agriculteurs le défendent corps et âme. Prenons l’exemple d’une rampe de désherbage de 28 m de largeur et d’une vitesse de travail de 15 km/heure, elle permet en théorie de préparer 42 ha par heure en semis direct. En revanche, avec une charrue, dont la largeur moyenne est de 3 m et la vitesse de 7 km/h, l’agriculteur ne cultivera que 2 ha ! Et parfois, en fonction du sol et du climat, il devra même recourir à un autre outil avant d’ensemencer. Imaginez si vous avez plusieurs centaines d’hectares à mettre en culture, outre la surconsommation démesurée d’énergies fossiles et de temps. Ce pour quoi on parle de techniques culturales simplifiées lorsque le glyphosate remplace la charrue.
Leucémie, vers de terre et bio-carburants
Cette semaine, une étude en attente de publication a de nouveau fait le lien entre glyphosate et leucémie : source. Une autre, également en attente de publication et qui émane de l’INRAE, montre que le glyphosate est toxique pour les vers de terre à long terme.
Quand tu lis que la cameline va permettre de faire un carburant vert durable pour faire voler les avions, tu te dis que ça ne vole pas haut ! Des bio-carburants qui n’ont de bio que le nom, puisque sur le terrain, c’est encore plus de glyphosate et d’engrais chimiques… avec une artificialisation accélérée des sols agricoles.
Avec le glyphosate, il y a cette image d’Épinal où un herbicide ne tuerait que les herbes, et encore que les mauvaises. Tout comme un insecticide tuerait certains insectes et pas les autres, ou un missile ne tuerait que ceux qui font la guerre en épargnant les civils.
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