Ce qui m’a alerté, c’est cette insistance à vouloir prouver que les vers de terre ne sont pas indispensables ; ce qui m’a peiné, c’est le procédé : enfiler les contrevérités scientifiques à son sujet. Par exemple :
- « Il n’y a pas de vers de terre à la base aux États-Unis et au Canada. »
- « Savez-vous que les sols d’Amérique du Nord se sont façonnés… sans vers de terre ? »
- « À l’origine, il n’y a pas de vers sur le sol nord-américain. »
- « Et bien oui, le sol américain a vécu sans vers pendant des milliers d’années. »
- « À l’origine, il n’y a pas de vers sur le sol nord-américain. »
- « Savez-vous que les sols d’Amérique du Nord se sont façonnés… sans vers de terre ? »
Tout ça dans la même émission, celle du 19 septembre : Le mystère des vers américains enfin résolu ! « Il n’y a pas de vers de terre à la base aux États-Unis et au Canada… » sauf que les plus anciennes traces d’annélides dans le monde ont justement été découvertes là-bas !
Un peu d’histoire
L’Histoire nous enseigne que le cheval a été introduit en Amérique par les colons européens. Donc, s’il a été importé, cela signifie qu’il n’y avait jamais mis les pieds auparavant sous sa forme actuelle. Sur ce point, l’Histoire est formelle.
On nous raconte la même histoire sur les vers de terre, qu’ils n’y auraient jamais mis une seule soie auparavant. Eh oui, les vers de terre n’ayant pas de pieds, ils se déplacent à cheval sur leurs soies !
Soutenir cette histoire, c’est affirmer que le sol américain a été créé par le monde microbien et sans les vers de terre. En fin de compte, cela revient à dire que les vers de terre n’ont aucune utilité. Une idée clairement exprimée dans l’article en question concernant les endogés : «… ce sont des petits qui creusent des galeries horizontales, et qui ne sont d’aucune utilité pour la fertilité des sols. » D’aucune utilité… 😁 Bien qu’ils vivent dans l’ombre de stars comme le lombric terrestre, ces vers, majoritaires dans un sol, sont en réalité les véritables artisans de la fertilité.
Par ricochet, France Inter se paye la tête de Darwin
En effet, les travaux de l’éminent scientifique, qui les avait finement observés pendant 45 ans avant de soutenir que les terres arables s’étaient formées en passant par l’intestin des vers de terre, se retrouvent balayés par l’opinion de quelques personnes assises derrière un micro.
Victime d’un règlement de compte
Pour comprendre la situation, il faut se plonger dans les coulisses pour découvrir le combat idéologique qui s’y déroule, entre les apôtres du microbe qui estiment que les vers de terre ont un rôle secondaire dans un sol, et les apôtres du ver de terre qui estiment que les microbes souterrains sont gouvernés par les vers de terre. Deux positions radicales qui contribuent à semer la confusion au nom de quelques intérêts narcissiques.
Les on-dit
On dit que le cheval a été importé par l’Ancien Monde au Nouveau, mais on ne dit pas ce que rapporte la tradition orale des Lakotas : à savoir que le cheval a toujours été à leurs côtés… et ce, bien avant l’arrivée des barbares.
Cette affirmation est désormais confirmée grâce à l’analyse ADN d’un cheval retrouvé congelé dans le pergélisol du nord du Canada. Et dans les restes datés de 6 000 à 8 000 ans, les chercheurs ont identifié qu’il avait été nourri au maïs. Ils ont vu que les Amérindiens élevaient et prenaient soin des chevaux, et qu’ils avaient déjà développé un savoir-faire équestre bien avant que nous ne connaissions cet art ! (Source) Lire cette étude publiée dans Science le 30 mars dernier, et signée par plus de 80 scientifiques.
On retrouve une situation similaire avec les Aborigènes, où l’on a découvert des traces très anciennes d’agriculture et où l’utilisation de cartes géographiques est attestée depuis 12 000 ans, époque où ils découvraient une arme magique, le boomerang, pendant que nous… nous étions encore occupés à tailler nos silex !
Présents depuis 508 millions d’années
Les vers de terre étaient présents bien avant les colons : « Il y a 508 millions d’années, le canyon Marble pullulait d’annélides… / les sédiments retrouvés dans l’intestin fossilisé donnent à penser que ces vers jouaient un rôle important dans la chaîne alimentaire. Ils recyclaient la matière organique sédimentée avant de nourrir eux-mêmes leurs prédateurs, comme le font aujourd’hui les espèces apparentées dans les écosystèmes contemporains. » Source : Musée royal de l’Ontario (ROM)
« Aux États-Unis et au Canada, par exemple, on compte 200 espèces différentes de vers de terre, dont une trentaine ne sont pas indigènes,» dixit Gheylen Daghfous, conservateur au Biodôme de Montréal (source). Lors d’un échange de mails avec le Professeur Sam James, l’un des experts américains, il m’indique en avoir répertorié 111 espèces indigènes.
Madame Lise Dupont, maître de conférences à l’Université Paris Est Créteil, dont j’ai republié l’un de ses articles sur les vers de terre qui grimpent aux arbres, m’a fait part d’une étude publiée le 29 juin 2022, et qui fait mention de 238 espèces indigènes. (Source)
En résumé, il y a plus d’espèces de vers de terre indigènes en Amérique du Nord qu’en France !
Manifestement, ce 19 septembre, les animateurs de La Terre au carré ont pris position contre le ver de terre. Je peux comprendre que l’on puisse le trouver moche et répugnant, mais pas gluant, mais la raison est-elle suffisante pour réécrire l’Histoire ?
Je ne le pense pas, car si la parole est parfois approximative à haute voix, lorsqu’elle est couchée sur le papier, elle reflète une intention délibérée. Une intention résumée par leurs derniers mots : « Moralité, prendre le temps de toujours donner les détails ! »
Effectivement, c’est ce que je viens de faire.
PS. Le 22 avril dernier, c’était Arte qui s’était pris les pieds dans le ver de terre : Lire