Il y a les grandes régions viticoles, le Limousin n’en a jamais fait partie, et encore moins la Haute-Vienne. D’ailleurs, il ne m’aurait jamais traversé l’esprit de produire du vin dans les monts d’Ambazac avant cette année. Or, avec le réchauffement climatique et les hivers plus doux, le raisin est excellent et les rendements incroyables.
Cette année, j’ai sauté le pas
En plus de faire du jus, j’ai mis du blanc à « bouillir ». Attention, mon projet n’est pas de faire un vin de garde, bien que tout semble possible avec les hybrides, mais un vin de soif, un petit vin. Les hybrides, le mot est lâché, j’y reviendrai.
Pas tout à fait un néophyte
Dans ma famille, je suis originaire de Saint-Agnant-les-marais, en Saintonge, nous avons toujours fait du vin, du pineau et du cognac pour notre consommation personnelle ; l’alcool étant aussi utilisé comme une monnaie d’échange… La ferme familiale était établie sur un ancien domaine viticole ravagé dans la seconde moitié du 19e siècle par le phylloxéra, ce puceron venu de l’Est des États-Unis et qui suçait les racines des vignes européennes, détruisant au passage le vignoble haut-viennois… j’y reviendrai également.
Le terroir
Le fameux terroir viticole qui ferait que certaines régions seraient plus aptes à produire du bon vin que d’autres et que le changement climatique vient de remettre en question. Franchement, un coteau haut-viennois bien exposé, implanté avec des hybrides et conduit en agroécologie, qu’aurait-il à envier à un terroir conduit à la chimie et sur sol nu ? Des sols dénutris promis à un avenir limité comme ces champs de cailloux que l’on trouve dans le Cognaçais.
De plus, faire du vin est l’ajout de deux compétences : celle du viticulteur, qui cultive la vigne, et celle du vinificateur, qui transforme les raisins en vin. La vinification, un élément clé pour obtenir un produit de qualité, la faiblesse des paysans, mon incompétence…
La législation
Un particulier peut planter jusqu’à 1000 m² de vignes (source). Le vin doit être réservé à la consommation familiale. Il n’y a aucune restriction sur les variétés, on peut même planter celles qui avaient été interdites pour d’obscures raisons par la loi du 24 décembre 1934 : le Noah, l’Othello, le Clinton, l’Isabelle, l’Herbemont et le Jacquet.
L’Isabelle, le Clinton et le Noah, des hybrides d’origine américaine, résistants aux maladies et très productifs. Le Noah, un vin blanc créé en 1896 dans l’Illinois, avait été interdit au prétexte que son vin rendait fou et qu’il avait un goût « foxé ». Autrement dit, qu’il sentait la pisse de renard. Personne aujourd’hui n’est dupe de cette décision, ces hybrides ne consommaient pas de pesticides et ils pouvaient être simplement reproduits par marcottage. L’autonomie n’est jamais vue d’un bon œil par les marchands d’intrants.
Les hybrides
Le mot peut prêter à confusion, on pense à des manipulations génétiques, mais il n’en est rien. L’hybride provient du croisement de variétés ou de races, la mule est un hybride. Quand les Amérindiens ont commencé à domestiquer la pomme de terre, ils l’ont hybridée ! Ils ont rapproché deux fleurs de deux plants différents pour les polliniser. Ensuite, ils ont semé les graines, chaque graine donnant un plant génétiquement différent des autres, ils ont obtenu des milliers de variétés. Puis ils ont hybridé les plus intéressantes et ainsi de suite. Ils sont même allés jusqu’à en sélectionner pour faire des gâteaux ou de la farine.
La technique est restée inchangée jusqu’à nos jours. En France, on sème tous les ans 200 000 variétés de pommes de terre pour essayer de trouver de nouvelles variétés. Plus d’infos. Pour la vigne, le processus est similaire : on pollinise, on sème, on observe, on sélectionne, on élimine.
Du vrai vin naturel sans produits
À l’heure où la région bordelaise est la plus polluée aux pesticides, les hybrides continuent d’avoir mauvaise presse, alors qu’avec on peut produire des cas du vin naturel sans aucun produit. Le Noah, jamais malade, goût de fraise, l’Isabelle, jamais malade, présente des saveurs de framboise. Je vous invite à lire cet article sur une dégustation à l’aveugle de ces soi-disant mauvais vins : Noah, Jacquet, Clinton… On a dégusté pour vous des cépages interdits !
Mais voilà, une étude scientifique, produite à Bordeaux et publiée le 13 mai 2023, conclut que les hybrides sont les moins résistants à la sécheresse… (Lire) Par-dessus le marché, un journal écolo-parisien renchérit le 13 septembre dernier : « Les hybrides – les variétés génétiquement modifiées pour faire face aux maladies – sont les moins résistants à la sécheresse. » Génétiquement modifiées = OGM, c’est radicalement faux. J’ai écrit au journal, mais ils s’en foutent, alors qu’ils font indirectement la pub pour une vigne accro aux pesticides.
Les grandes régions viticoles
L’Alsace, la Champagne, la Bourgogne ont un climat continental ; le Bordelais, le Sud-Ouest et la vallée de la Loire ont un climat atlantique ; la vallée du Rhône, le Midi, la Provence et la Corse ont un climat méditerranéen (source FranceAgriMer). Avant l’arrivée du puceron exterminateur, la Haute-Vienne était une petite région viticole !
En effet, à Bussière-Boffy, avant la Révolution française, un tiers des terrains de cette commune étaient des vignobles (source). Tous les noms de lieux-dits tels que la vigne, les vignes, la vigne, vignerie, les vignaux, vigneras, la vignière, puyvignaud, puy-les-vignes témoignent qu’elle était cultivée (dans des endroits tels que Magnac Laval, Saint-Léonard-de-Noblat, Nexon, Dournazac, Saint-Barbant, Champnétry, Rochechouard, Saint-Martin-le-Mault, Solignac, Panazol, Arnac-la-Poste, etc. (source) jusqu’aux monts d’Ambazac : Laurière et la Jonchère.
Le vignoble haut-viennois renaîtra en 1995 à Verneuil-sur-Vienne. Il est actuellement de 6,5 ha dans cette commune contre 270 vers 1780. A cela, il faut rajouter 1 ha planté en 2011 à Saint-Léonard-de-Noblat, et c’est tout.
La Haute-Vienne, nouvelle région viticole ?
Qui aurait imaginé il y a 10 ans que le plateau de Millevaches deviendrait un haut lieu de la production du cannabis CBD ? Que l’on trouverait autant de brasseurs dans nos campagnes ? « Grâce » au réchauffement climatique, et à l’instar de beaucoup de départements non viticoles, la Haute-Vienne possède tous les atouts pour renouer avec sa tradition viticole et produire des vins naturels.
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