Ils réclamaient un moratoire sur le développement des méga-bassines en France, le gouvernement leur répond bulldozers et pelleteuses. Il n’y aura ni moratoire ni débat national sur le partage de l’eau, l’agro-industrie se frotte les mains.
Les méga-bassines ne feraient pas polémique si leur but était de stocker l’eau « perdue » des nappes phréatiques, c’est-à-dire le trop-plein, or ce n’est pas le cas. Pour les remplir, c’est bel et bien de l’eau potable qui est pompée pendant l’hiver dans les nappes pour irriguer à la belle saison des cultures principalement à vocation industrielle.
Texte publié le 30/08/2023 dans l’agora de Marianne : LIRE
Le Convoi de l’eau est une manifestation itinérante
qui s’est déroulée du 18 au 26 août 2023
Organisée par deux ONG, Bassines non merci et Les Soulèvements de la Terre ainsi qu’un syndicat agricole, La Confédération paysanne, cette manifestation a rassemblé un millier de participants, principalement des cyclistes. Ils sont partis d’un champ des environs de Sainte-Soline pour rejoindre le Champ-de-Mars à Paris. Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, lieu symbolique de l’opposition et théâtre de violents affrontements avec la gendarmerie le 25 mars dernier : 250 blessés dont 40 graves.
Pourquoi tant de violence
Tout d’abord, le Gouvernement impose cette solution à un moment crucial de notre histoire où l’eau douce et potable est sous tension comme jamais. Ensuite, pourquoi s’obstine-t-il à imposer de force ?
En effet, outre l’impact environnemental, les méga-bassines coûtent très cher à la société. Des dizaines de millions d’euros financés à hauteur de 70 % par des fonds publics, selon le journal Libération, des chantiers surveillés aux frais de l’État, le tout pour irriguer des cultures largement subventionnées et qui ne sont pas toujours alimentaires. Parfois des cultures gazières dont la production de biogaz repose sur l’argent des contribuables.
Alors, comment ce gouvernement a-t-il fini par croire que les méga-bassines sont une réponse juste et appropriée à l’intensification des sécheresses agricoles ? Dès lors que le sol est sec en profondeur et que les plantes ne poussent plus ou meurent, on qualifie la situation de sécheresse agricole.
Un peu d’histoire
Suite à la sécheresse de l’été 2019, le gouvernement a autorisé la création d’une soixantaine de méga-bassines. Le ministre de l’Agriculture justifie ainsi sa décision sur le plateau de Cnews : « On ne va pas regarder la pluie tomber du ciel pendant six mois et la chercher les six autres mois de l’année. » (source) Un argument dérisoire, mais fondateur des méga-bassines. Il s’agit de la théorie des hivers pluvieux, une théorie qui tombe à l’eau s’il pleut au printemps, une théorie tombée en désuétude depuis l’intensification du cycle de l’eau.
En effet, le 12 juin de la même année, une étude internationale concluait que le cycle de l’eau, tel que nous l’avions toujours connu, n’existe plus. L’activité humaine a altéré son cycle de la même manière qu’elle a altéré le climat. À titre d’exemple, on consomme entre 3 et 5 litres d’eau potable pour évacuer 0,3 litre d’urine composé à 95 % d’eau en Occident ! Et en France, on consomme l’équivalent de 3 méga-bassines d’eau potable par jour pour uriner et déféquer dedans… Extrait de l’étude où l’INRAE et l’Université de Rennes ont participé : « Si la représentation du cycle de l’eau est fausse, il est difficile ensuite pour les décideurs et les citoyens de se rendre compte des enjeux et des problèmes que la ressource en eau peut générer. » (source)
Des études biaisées à l’origine des méga-bassines
Pour enfoncer le clou, le 15 mars 2023, Michèle Rousseau, PDG du BRGM, l’établissement public en charge d’expertiser l’impact des méga-bassines sur la ressource eau, a déclaré lors d’une audition devant les parlementaires que leurs études étaient surinterprétées. En d’autres termes, qu’on en exagère le contenu, car elle a expliqué que les chercheurs du BRGM avaient oublié de prendre en compte l’impact du réchauffement climatique et des activités humaines dans leurs expertises (source). Pas mieux qu’un cigarettier disant que fumer est bon pour la santé si on ne prend pas en compte les molécules cancérigènes.
Revenons en 2019 et au ministre de l’Agriculture qui ajoute ce jour-là sur Cnews : « Il s’agit de capter l’eau de pluie, de la retenir dans des retenues ‘collinaires’ (…) pour pouvoir la restituer après dans les sols lorsqu’il y a sécheresse. » L’argument pourrait être recevable, ce n’est pas nouveau de retenir les eaux de ruissellement, les eaux tombées du ciel, les premiers barrages agricoles remontent à des milliers d’années.
Le plus ancien serait celui de Jawa en Jordanie, haut de 5 mètres et maçonné il y a 5 000 ans. Mais à l’époque, ni le climat ni le cycle de l’eau n’étaient bousculés… outre la consommation et la pression démographique faibles. Le ministre a juste omis de dire que l’eau n’est pas retenue, mais pompée dans des nappes dont le niveau est toujours plus bas que prêt à déborder (source).
Un état de confusion
Mais là où l’État est déphasé, c’est qu’il continue à faire supprimer des retenues datant parfois de plusieurs siècles au nom de la continuité écologique des cours d’eau (décret n° 2007-1760 du 14/12/2007). D’un côté, l’État paie pour supprimer, et de l’autre, il paie pour créer des « étangs » artificiels remplis avec de l’eau potable… Comprenne qui pourra.
Ajoutons à cet état de confusion qu’en 2019, le Gouvernement a assoupli la législation en diminuant le niveau minimum des rivières pour augmenter celui des retenues (décret n° 2019-827). Et en 2018, c’était la carte des cours d’eau qui avait subi une sévère cure d’amaigrissement avec la suppression de quelques milliers de ruisseaux. Mais les supprimer des cartes ne veut pas dire qu’ils n’existent plus, c’est juste les exclure de la législation afin de pouvoir les assécher ou les polluer sans crainte.
L’agriculture a besoin d’eau, mais elle a aussi besoin, comme l’ensemble des citoyens, de solutions durables et de consensus scientifiques robustes. Le samedi 26 août 2023, le Convoi de l’eau est arrivé sur le Champ-de-Mars en chantant : Grille par grille, bâche par bâche, on détruira toutes les bassines.
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