Ils font comme vous et moi, ils restent au frais… 😁 Du moins en France, car c’est un monde qui a su s’adapter pour coloniser la planète. À l’instar de Mesenchytraeus solifugusi qui vit dans les glaces d’Alaska, d’un autre qui se déplace sous le soleil en Afrique, ou encore d’un autre qui vit dans les forêts inondables d’Amazonie et qui grimpe dans les arbres pour échapper aux inondations…
En juin dernier, j’ai vu un lombric terrestre sortir en plein soleil pour faire quelques pas ! Il ne semblait pas stressé, seulement curieux, se déplaçant à la mi-ombre. Le lendemain, je l’ai retrouvé raide un peu plus loin, preuve que même les vers de terre n’ont pas toujours le nez…
Comprenons-nous bien
Une canicule se caractérise par une période de très fortes chaleurs. Mais selon sa durée, si le sol est couvert et humide, la canicule aura finalement un impact limité sur les communautés lombriciennes. En revanche, si le sol est déjà sec en profondeur (sécheresse agricole), parce qu’il n’a pas plu depuis longtemps, la canicule va en rajouter une couche. Mais les vers de terre n’étant pas nés de la dernière pluie, ils ont des stratégies pour s’en protéger, faut juste que ça ne dure pas la nuit des temps.
Certains disent que le réchauffement climatique menace l’avenir des vers de terre, la première menace qui pèse sur eux, c’est nous ! Nous qui avons oublié qu’un ver de terre est un animal qui ne se nourrit pas de sols nus, d’engrais chimiques, de pesticides et de techniques agricoles agressives. Nous, c’est vous et moi, personne n’a les mains propres, et les agriculteurs ne font qu’appliquer les lois créées par ceux que nous avons élus.
Le repos du guerrier
Extrait de mon second livre sur les vers de terre : Sauver le ver de terre (2020)
Ce qui nous différencie de la machine, c’est qu’une fois le moteur coupé, une voiture peut se conserver quasi indéfiniment si elle est stockée au sec, contrairement au moteur humain qui ne fait pas long feu sans carburant. Par ailleurs, tous les corps ne sont pas égaux pour rester en vie, les animaux à sang chaud doivent sans cesse s’alimenter pour maintenir leur température corporelle, contrairement à ceux au sang froid qui n’ont qu’à cesser leurs activités.
À l’exemple de certaines bactéries qui peuvent modifier leur métabolisme pour s’enkyster parfois pendant plusieurs dizaines d’années, et ainsi vivre au ralenti lorsque les conditions extérieures leur sont défavorables. Une position économique qui leur permet de vivre longtemps. Le scientifique nomme ces états, d’activité biologique réduite, la quiescence ou la diapause suivant la cause : « La diapause est une pause, une forme de vie ralentie, déclenchée par des conditions défavorables (sécheresse, froid, durée ou lever du jour…)… Un des mécanismes biologiques d’adaptation au milieu les plus élaborés » pour Bernard Mauchamp, directeur du Laboratoire de physiologie de l’insecte de l’INRA.
Mais si la diapause est déclenchée avant l’apparition de facteurs défavorables, elle n’est pas pour autant levée par la seule disparition de ceux-ci… Et elle « se distingue de la quiescence, une autre forme de vie ralentie déclenchée par des facteurs défavorables au milieu, et qui cesse dès le retour des conditions favorables. »
Se mettre en pause
Ainsi, quand un ver de terre se met en pause, il s’enroule pour limiter sa déshydratation et attendre des jours meilleurs. Et en dehors de la diapause, les deux moments qui l’obligent au repos forcé sont : quand la température est élevée et le sol sec ou quand elle est basse et le sol gelé. » Mais comme tout est possible dans la nature, il y a aussi des animaux à sang chaud qui cessent de s’alimenter pendant des mois et qui restent en vie, et des animaux à sang froid qui doivent sans cesse s’alimenter pour rester en vie. Comme l’abeille qui n’hiverne pas contrairement à la marmotte.
Peu d’espèces de vers de terre entrent en diapause. Pour s’en convaincre, il suffit d’arroser abondamment un carré de terrain en pleine sécheresse, et/ou canicule, puis de le recouvrir d’un épais manteau de matière organique pour les observer à nouveau en activité.
A propos de ce ver de glace
Extrait de l’Éloge du ver de terre, tome 2, sorti en avril 2023 :
En Alaska, il y a un ver de terre qui vit dans la glace ! D’ailleurs, on ne l’appelle pas un ver de terre, mais de glace : Mesenchytraeus solifugusi ! Et sa température vitale est comprise entre -7 et +7°C. Non, il ne mange ni glace ni ne fait des cacas en forme de sorbets, il vient à la surface des glaciers manger les mousses, algues et autres microbes.
L’Éloge du ver de terre, tome 2, et Sauver le ver de terre sont disponibles en librairie ou dans la boutique. Les acheter est une manière de soutenir ce blog et notre travail. L’Éloge du ver de terre, tome 1, sorti en 2018 chez Flammarion, est épuisé.
Merci pour cette chronique pleine de bon sens…paysan… d’un observateur amoureux de la nature. Je me pose la question s’il ne faudrait pas que nos urbains viennent faire des stages en immersion dans nos campagnes avec des paysans pour échanger apprendre et partager… et nos politiques…
C’est toujours avec un grand plaisir et intérêt que je vous lis j’ai beaucoup aimé l’éloge du ver de terre T 1 et vais me procurer le 2 . J’ai souvent d’ailleurs recommande le T 1 .
Encore merci
Lulu Mélice