La FNSEA avait réclamé leur tête, le couperet est tombé mercredi lors du Conseil des ministres, les Soulèvements de la Terre ont été dissous. Le syndicat agricole avait été clair : soit l’État rétablit l’ordre républicain, soit… Commençons par le commencement.
Lundi 19 juin
4 heures 30, je reçois un SMS me proposant de participer le lendemain à une émission de radio avec un célèbre animateur. Le but est de du dernier Éloge du ver de terre. 20 min à l’antenne, entrecoupées de pubs, contre 10 heures de transports en commun sans compter les attentes aux gares, car nous n’avons pas le TGV. Je réponds d’accord pour une visioconférence. On me répond qu’il me veut sur le plateau ! C’est la mauvaise saison, les cultures, le travail, et puis tout ce temps perdu pour si peu de temps. Mon interlocutrice ne comprend pas, c’est annulé.
Mardi 20 juin
J’ai dû attendre 62 ans pour prendre conscience de la sensibilité de ces animaux. Hier soir, assis sur un mur, je m’aperçois tout d’un coup qu’une femelle est venue se coucher à 50 cm derrière moi ! Nous devons en avoir une dizaine autour de la maison, il faut toujours faire attention où l’on met les pieds, car ils sont souvent dans nos pattes… Depuis que nous n’avons plus de chats, les lézards verts et des murailles sont heureux. Je passe énormément de temps à les observer, plus précisément, nous passons énormément de temps à nous observer mutuellement…VOIR
Mercredi 21 juin, la dissolution
Selon le Gouvernement, Les Soulèvements de la Terre n’ont pas été dissous pour leurs idées, mais pour leur façon d’agir. La FNSEA a salué le rétablissement de l’ordre. Pourtant, leurs dernières actions sont hors-la-loi : 17 février, action violente contre les locaux de France Nature Environnement à Toulouse (source), 21 février 2023, action violente contre des bâtiments de l’État dans le Gard et affrontement avec la police. Un agriculteur a même foncé sur les gendarmes avant d’être arrêté. Ni une ni deux, un groupe d’agriculteurs a fait une descente à l’hôtel de police… (source) Je partage leurs revendications, pas leur colère et toute cette violence, nous sommes dans un État de droit, pas au Far-West.
Le 23 mars 2023, c’était la propriété du vice-président de France nature Environnement de la Charente-Maritime qui était violée, et son épouse verbalement agressée. Des pierres étaient balancées sur la façade de sa maison, ses murs tagués, du fumier déversé avec de vieux pneus dans son jardin. Des méthodes terrifiantes, aucune arrestation et silence de la classe médiatique et politique pour condamner ce délit. Le responsable local de la FNSEA déclarera qu’il ne cautionne pas, mais qu’il comprend… le gars l’avait bien cherché !!! (source)
Deux poids, deux mesures
Soyons clairs, les valeurs républicaines, c’est pas une option. Juste ou injuste, la loi est toujours plus juste que la loi du plus fort. Quel avenir si tout le monde se fait justicier ? Le 13 juin, deux élues de la République se faisaient agresser par des vignerons sûrs d’être dans la légalité : « Va faire la soupe salope, grosse salope. » [Vidéo] Sans l’intervention des gendarmes, que leur serait-il arrivé ? Tout comme les maires menacés de mort par des groupuscules sûrs d’avoir les bonnes valeurs. Un syndicat ou un mouvement n’a pas à payer pour les délits de quelques-uns, sauf que la dissolution des Soulèvements de la Terre a bien été actée pour 3 atteintes à des biens commises par quelques-uns.
Le temps de la haine
On peut rêver, mais si nous passions du temps de la haine à celui de la réconciliation ? À la FNSEA, il y a toujours eu une culture de la haine envers les écologistes, tout comme dans les milieux de l’écologie, il y a toujours eu une culture de la haine envers les agriculteurs de la FNSEA. Le pire, c’est qu’il faudrait choisir un camp ou l’autre. Pour avoir toujours refusé, j’ai été accusé cette semaine d’avoir de la haine pour les deux… Affligeant, moi qui ai payé le prix le plus fort, ma famille, pro FNSEA version radicale côté maternel, m’ayant privé de mes terres à vie pour mes idées. Une punition étendue à mes enfants par le jeu des baux ruraux. Bref.
Jeudi 22 juin
J’étais invité à une table ronde à l’Assemblée nationale dans le cadre de la mission parlementaire sur la biodiversité dans les paysages agricoles, et en particulier sur la biodiversité des sols : Lire. Ne pouvant me déplacer, ils ont accepté que ma participation soit écrite. 8 questions m’ont été adressé, ma réponse à la première, les autres prochainement.
- Pouvez-vous présenter brièvement les différentes composantes de la biodiversité des sols, en particulier des sols agricoles ?
Il y a de la matière minérale et organique (morte et vivante), beaucoup de racines, bactéries, champignons, peu d’animaux, quelques mammifères, des insectes, des crustacés, des vers, dont les vers de terre. On y trouve aussi de l’air et de l’eau. Le rapport est de 1 à 5 : pour 1 kg de vers de terre, 5 kg de microbes. Il s’agit bien sûr d’une estimation statistique pour un sol agricole vivant, cultivé et préservé de la chimie. Soit une tonne de vers de terre à l’hectare pour cinq de microbes et cinq de racines.
Quand le champ est cultivé à la chimie, sur sol nu et sans apport organique, le poids des animaux chute considérablement, entraînant également une chute de la diversité biologique avec la disparition irrémédiable de certaines espèces. Pour les microbes, même s’il a une perte de diversité, la capacité des bactéries et des archées à s’enkyster, parfois pendant plusieurs dizaines d’années pour attendre des jours meilleurs, limite les dégâts. Cependant, ces sols, rendus artificiels par le fait qu’ils dépendent de la chimie pour nourrir les plantes, sont des postulants au lessivage et à l’érosion. Un point important à prendre en compte lorsque, selon les sources, 25 à 50 % des sols agricoles sont dégradés à des degrés divers dans le monde.
Vendredi 23 juin
Il y a un emballement médiatico-scientifique pour dire que nous courrons à la catastrophe. Hé, l’emballement, c’est juste parce que la catastrophe est maintenant palpable. Quand nous tirions le signal d’alarme, nous étions traités de catastrophistes… No comment. Depuis des années, je le tire sur la source de notre nourriture, qui se tarit, mais l’appel du ver de terre fait bien ricaner, les supermarchés étant gavés de nourriture. Le jour où il y aura emballement, ce sera trop tard. Nous avons toujours un train de retard, ainsi est la condition humaine.
Samedi 24 juin
Lutter contre l’industrialisation de l’agriculture, bien évidemment, mais où commence l’agro-industrie ? A partir de combien d’ha ou de quelle dimension économique ? J’ai posé la question sur les réseaux, énormément de réponses, de justifications, mais personne n’a su dire ! Le problème est ainsi posé. Nous sommes 67 millions de Français, bouches à nourrir, pour grosso modo 1/2 million d’agriculteurs. Par une simple règle de 3, chaque agriculteur doit pouvoir nourrir 134 personnes toute l’année. Et c’est énorme.
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C’est facile à vendre « l’éco terrorisme ». J’ai lu des quantités de commentaires négatifs sur SLT sur Orange (bon, je sais là on a la fine fleur!). En effet, ça donne la trouille, j’ai vu une photo où SLT déterre du muguet pour semer des coquelicots : SLT va mener la France à la débandade. Les gens boivent les idioties qu’on leur raconte, j’en ai fait partie un temps. Mais soit on reste la tête dans le sable et on acquiesce à vie (confortable) soit on se questionne. J’arrive sur certains sujets à trouver une vérité. Je m’aperçois que tout est manipulation. Les industries en amont et aval de l’agriculture font parties de fortunes de France (et hors frontières) donc on a pas finir de gober des couleuvres!!! Demandez aux lézards eux ils le savent… Bonne continuation à tous et à toi surtout Christophe.
Le 8 février 1999, un groupe d’agriculteurs de la FNSEA prenait d’assaut un symbole de la République, un ministère, ses employés terrorisés et le bureau de madame la ministre vandalisé, et comme par hasard c’était le ministère de l’Écologie… les peines prononcées contre les auteurs ont été symboliques, la FNSEA n’a pas été pour autant dissoute pour ces exactions commises par une cinquantaine de ses membres.