Trop tard, nous sommes déjà au cœur de la tempête et d’une crise de l’eau sans précédent. Comme dirait l’autre, il fallait y penser avant, mais la nature humaine est ainsi faite, ne réagissant qu’une fois le nez dedans. Mais pour autant, la parole scientifique doit-elle passer après celle des climato-sceptiques ? Telle est la question en dehors des sempiternelles guerres de clans.
Car, pour les uns, les écolos détruisent l’agriculture, pour les autres, les agriculteurs détruisent la planète, et pendant ce temps-là, quelques-uns se frottent les mains. Désolé pour ce petit glissement de terrain, mais depuis la Révolution française, les plus riches ne se sont jamais autant gavés. Bref. Si les premières victimes de cette haine de l’écologie sont les scientifiques dont c’est la discipline, l’agroécologie est également stigmatisée, alors même qu’elle a été politiquement actée dans la loi en octobre 2014 !
Les méga-bassines,
parfois une partie de la solution,
parfois le gros du problème
N’y voyez aucun parallèle douteux, rien n’est acquis et on avance parfois pour mieux reculer. A l’exemple de la Caroline du Sud où ils réfléchissent à la peine de mort pour les femmes qui avorteraient (source)… No comment. Revenons à notre agroécologie bien incapable de résoudre à elle seule la crise de l’eau. Elle fait partie de la solution, mais elle ne l’est pas. Idem pour les méga-bassines, elles sont parfois une partie de la solution, parfois le gros du problème.
On entend aussi que le maïs ( l’une des plantes les plus sobres en eau) serait le problème, oubliant qu’à l’instar du labour, le problème, c’est uniquement la manière dont il est cultivé aujourd’hui. Quant au sorgho, soi-disant la plante de la sécheresse, une idée reçue puisqu’avec le maïs, ils consomment la même quantité d’eau ! De mon expérience, certaines variétés de maïs sont même plus résistantes à la sécheresse. (source)
Des études faussées par
une représentation fictive
du cycle de l’eau
L’agriculture a besoin de solutions concrètes, mais aussi d’un consensus scientifique robuste. En effet, les méga-bassines reposent aujourd’hui sur la théorie des hivers pluvieux, une théorie bouleversée par le réchauffement climatique. Or, le 15 mars dernier, Michèle Rousseau, PDG du BRGM, l’établissement public en charge d’expertiser l’impact des méga-bassines sur la ressource eau, déclarait lors d’une audition devant les parlementaires que leurs études étaient surinterprétées… et faussées !!!
Le BRGM n’a pas pris en compte l’impact du réchauffement climatique et les activités humaines (source). Un oubli lourd de conséquences, en particulier pour les agriculteurs qui risquent de se retrouver le bec dans l’eau en cas de sécheresses sévères. Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour le dire ? Pourtant, l’INRAE et l’Université de Rennes avaient alerté dès 2019 : « Si la représentation du cycle de l’eau est fausse, il est difficile ensuite pour les décideurs et les citoyens de se rendre compte des enjeux et des problèmes que la ressource en eau peut générer. » (source)
Le rapport du BRGM a été publié 3 ans après, en juin 2022. En février 2023 : « Les 143 pages du BRGM se basent sur des données allant jusqu’en 2011, les impacts actuels et à venir du changement climatique, comme les sécheresses, y compris hivernales, ne sont donc pas pris en compte. » (source) Incompréhensible. Ci-dessous, les prévisions les plus optimistes en matière d’élévation des températures et donc de dérèglement du cycle de l’eau.
L’exemple espagnol
Le seul retour d’expérience nous vient de l’Espagne, le pays qui possède le plus grand nombre de retenues et réservoirs d’eau à vocation agricoles (1226) en Europe, mais l’Éden s’est vite transformé en calvaire (source), ça ne résout rien. Le 28 mars dernier, j’ai publié dans Marianne : « Les méga-bassines ne sont pas une solution durable.«
P.S. L’Éloge du 🪱 n°2 sort le 12 avril 😊
UNE MÉGA-BASSINE, c’est quoi ? C’est une immense réserve d’eau à ciel ouvert géré par une entreprise du type société coopérative anonyme. L’eau est pompée l’hiver dans les nappes phréatiques ou les rivières pour être ensuite revendue aux sociétaires selon leurs besoins. Une eau principalement utilisée pour irriguer des grandes cultures, des cultures pour nourrir le bétail, voire pour produire du gaz et de l’électricité, et plus accessoirement pour produire des légumes.
Les mots ont un sens….
En effet, l’eau n’est pas une ressource contrairement au pétrole, au bois, à l’alimentation, au gaz etc. L’eau suit un cycle !!! Nous avons la même quantité d’eau sur le globe depuis tout le temps.
L’eau ne se consomme pas, elle s’utilise….
Tant que nous serons dans ces axiomes nous nous tromperons de solutions !!!
Je suis surpris, l’eau ne serait pas une ressource naturelle selon toi. Tu ajoutes : L’eau ne se consomme pas, elle s’utilise….
J’avoue ne plus comprendre. Les eaux grises, polluées, pesticidées… n’ont-elles pas été rendues impropres par la consommation ?
Je rejoins l’avis de Christophe. Je viens de lire un article sur Baptiste Morizot dans le dernier Telerama, et il préconise de revenir à l’étude des bienfaits du castor …
Je viens de lire une partie de l’article, j’avoue avoir également fait un bond en lisant : « la nature est sortie de ses gonds ».
Puis un (re) bond, plus brutal, en lisant que le castor pourrait résoudre les sécheresses… « Dans la leçon du peuple castor, « guérisseur » de nos rivières, l’une des solutions pour lutter contre la sécheresse.«
Merci de la mise au point. Ca montre à nouveau l’absence de vision à long terme de nos dirigeants, mais ce n’est pas une surprise…
Vous dites que le maïs est sobre? Mais quid des arrosages massifs tout l’été? J’entends bien qu’il faut des épis conséquents pour que cela soit rentable, donc la plante est sobre, mais le besoin en épis juteux fausse la donne , non?
Je ne connais pas le sorgho .
Quoi qu’il en soit, si on diminuait l’élevage intensif, on aurait moins besoin de maïs, et on pourrait consacrer ces terres à de l’alimentation pour les humains. Mais d’abord convaincre la population de moins manger cette viande, pour ne garder que les élevages de qualité, non intensifs. D’autant que j’ai lu qu’on importait de la viande basse qualité !
A quoi sert d’essayer de concurrencer les pays moins chers? Autant passer direct en bio! Si ce n’est pas plus facile à rentabiliser (merci la PACS), ça ne peut pas être pire, et avec un moindre coût écologique (et surement une conscience plus tranquille!)
Bonjour Madame.
Vous avez raison. Le problème est bien l’orientation de l’agriculture, de NOTRE agriculture. Nous sommes dans une logique d’agriculture industrielle avec toutes les dérives qui en découlent (l’eau est l’un des problèmes). Bravo à vous de ne pas tomber dans le panneau de » plus de viande du tout pour sauver la planète », ne plus manger de viande va accélérer le phénomène d’industrialisation de l’agriculture.
Oui, mille fois oui, il faut favoriser l’agriculture localisé et paysanne.
Pour vous répondre sur le maïs. C’est une plante « magique » : plus elle a d’eau et de soleil, plus elle produit grâce à une photosynthèse particulière qui lui permet de consommer 2 fois moins d’eau que les autres plantes pour produire les sucres nécessaires à son développement.
Il y a encore 50 ans, le maïs (non irrigué) était cultivé pour nourrir les animaux en cas de sécheresse, car c’était la seule plante à rester verte au mois d’aout…
Bonjour.
Effectivement, les méga-bassines ne sont pas une solution. Problème de conception(forme, bâche, abord s et destination de l’eau, etc).
Il ne faut pas croire que l’irrigation est un problème, NON, l’irrigation est une bonne chose ! Le problème est que l’irrigation coûte chère et ne devrait être QUE ponctuelle.
Cependant, il ne faut pas croire que les opposants aux mega bassines aient FORCÉMENT raison ! Laisser couler l’eau (continuité écologique) est une aberration totale ! Cela n’empêche pas bon nombre d’association qui se veulent ECOLO se comportent en tyran !!! Il n’y a pas de discussion possible. Si, tu oses remettre en cause leur dogmes, tu t’exposes à leurs courroux !
Nous sommes dans une radicalité !!!
Les méga-bassines et ou la continuité écologique nous mènerons au même résultat : la marchandisation de l’eau !!!
Les solutions existent, sont simples et peu onéreuses.
Il nous faut remettre le cycle de la pluie(donc de l’eau) en route….
Bon dimanche.
Merci Pierrick,
La question qui me presse est : devons-nous remettre en route le cycle de l’eau, ou l’apaiser, le ralentir, puisque l’élévation de la T° l’accélère ?
Bon dimanche