Quand on parle d’engrais verts, on parle de plantes cultivées pour nourrir la vie du sol, dont les vers de terre. On parle de plantes pour nourrir d’autres plantes via la vie du sol. Or ces engrais, contrairement aux chimiques, ne sont pas directement assimilables par les plantes à nourrir. Aussi, c’est la vie souterraine qui va se charger de les transformer en engrais !
En théorie, n’importe quelle plante peut faire l’affaire, si elle n’est pas exploitée à d’autres fins que de « pourrir » sur place.
Pourrir,
pour nourrir les habitants du sol
De ce point de vue, le haricot, le tournesol, le maïs ou l’épinard peuvent se révéler être d’excellents engrais. En 2022, c’est le maïs pop corn noir qui s’est affiché comme la plante de la sécheresse. Cf. vidéo en bas de cette page. Généralement, un engrais vert est cultivé entre 2 cultures pour nous nourrir. On parle alors de cultures intercalées ou d’intercultures : « La première fonction d’une interculture est de capter du carbone atmosphérique pour nourrir la biodiversité souterraine. » Gilles Domenech, microbiologiste des sols et spécialiste des engrais verts et des intercultures, notre spécialiste français en la matière.
Une tradition agronomique millénaire
Autrefois, on cultivait donc pour nourrir la Nature 😊
Une technique ancestrale qui a permis aux paysans, avec les fumiers et le recyclage de toutes les matières organiques, les rotations et les jachères, de protéger et valoriser leurs sols. Mais voilà, aujourd’hui le gouvernement veut faire du gaz avec ces cultures ! Plus de 100 000 ha sont déjà gazés, des millions sont dans le collimateur.
Au Moyen Âge, ils disaient cultiver des plantes succulentes pour nourrir la fertilité de leurs sols. Des plantes exquises qu’on appelle aujourd’hui : engrais vert, engrais végétaux ou couverts végétaux.
Dans Le Littré, dictionnaire du 19e siècle : « Engrais verts : nom donné aux tiges, feuilles ou fanes des végétaux herbacés spécialement cultivés pour service de fumure, tels que lupin, colza, seigle, etc. ; on les enfouit dans la terre, ils y pourrissent et la fertilisent. » Des végétaux pour engraisser la terre végétale, la culture était directement enfouie ou broutée par les animaux qui fertilisaient avec leurs pipis et cacas. Plus récemment, on les a appelées cultures intercalaires, cultures dérobées ou CIPAN : Cultures Intermédiaires Pièges à Nitrates. Mais avec le développement de la méthanisation, on les appelle désormais des CIVE, des CIMS (cultures intermédiaires multiservices) ou des CIMSE (cultures intermédiaires multiservices environnementales.)
Au sujet de l’ancienneté
L’ingénieur agronome Joseph Pousset précise dans son ouvrage, Engrais verts et fertilité des sols : « La culture des engrais verts est peut-être aussi ancienne que l’agriculture. L’américain Pieters, dans son étude publiée en 1927, signale que des documents chinois très anciens la mentionnent plus de mille ans avant Jésus-Christ. D’autres auteurs, dont J.S. Joffre (1955), précisent que les anciens Grecs et Romains utilisaient aussi cette technique. » Dire qu’on présente aujourd’hui ces cultures comme une innovation à l’instar des CIVE… 🤣🤣🤣
L’art de réinventer l’eau chaude
avec des sigles qui reniflent l’innovation
Ces couverts végétaux n’ont que des avantages sur le plan écologique, agronomique et économique, car ils soutiennent la continuité biologique des sols. On parle de continuité écologique pour un cours d’eau, mais un sol nourricier est soumis aux mêmes contraintes pour rester vivant.
Une succession prairie-culture
Voici les premiers mots de Frédéric Thomas et Matthieu Archambeaud dans leur livre sur Les couverts végétaux, gestion pratique de l’interculture : « Les couverts ne se limitent pas à un simple rôle de capteurs d’éléments minéraux et de protecteurs des sols : ils sont à la base de systèmes de culture performants et respectueux de l’environnement. » Puis, ils ajoutent : « L’objectif d’une pratique régulière et adaptée aux couverts végétaux est d’arriver à terme à des résultats comparables à une succession prairie-culture en maintenant toute l’année un sol organisé avec une alternance de plantes qui augmentent et recyclent la fertilité. » Une succession de prairie et de culture : belle vision augmentée de la fertilité naturelle.
Je vais laisser le mot de la fin à leur préfacier, Dominique Soltner, auteur de nombreux ouvrages scolaires sur l’agronomie : « Associer les cultures, choisir leurs successions, les marier aux élevages, inviter les abeilles et bien d’autres amis, animaux, végétaux, algues et champignons, ils ont tout découvert. Découvertes souvent oubliées que nous retrouvons aujourd’hui. C’est bien le cas des engrais verts ou couverts végétaux que l’air du temps qualifie de CIPAN… » Que l’ère du gaz vert qualifie de CIVE 😒
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ci-dessous notre dernier 😉
Bonjour Christophe,
Merci pour votre article et tout le savoir que vous mettez à disposition.
J’aurais une question un peu technique:
Est ce que l’engrais vert sous forme de plantes apporte la même quantité d’énergie que le fumier? (Fumier qui aurait été fabriqué avec la même quantité de matière organique que l’engrais vert sous forme de plantes)
D’avance merci pour votre réponse.
Bonjour Christophe V., permettez-moi de contribuer à la compréhension de votre interrogation.
Je pense qu’il est difficile de faire une comparaison directe en termes d’énergie entre l’engrais vert (quel qu’il soit) et le fumier, car cela dépend de nombreux facteurs, dont les principaux à prendre en compte sont : la composition spécifique de chaque matière organique, le taux de décomposition, les conditions du sol et le climat.
Cependant, d’après certains agronomes, le fumier composté peut avoir un effet à plus long terme sur la fertilité du sol, car il est déjà partiellement décomposé et les nutriments qu’il libère sont disponibles plus rapidement pour les plantes. Mais, comparé au fumier, l’engrais vert apporte des avantages supplémentaires : protection du sol contre l’érosion, amélioration de la structure du sol et meilleure stimulation de l’activité microbienne. Et nombreux sont ceux qui utilisent l’engrais vert comme culture intercalaire pour enrichir le sol et améliorer la rotation des cultures (c’est mieux expliqué dans l’article).
Je pense donc que l’engrais vert et le fumier sont deux approches « complémentaires », pour améliorer la santé du sol et la fertilité, qui diffèrent dans leur composition, leur décomposition et leur apport en énergie pour les organismes du sol, y compris les vers de terre. Et, en attendant la réponse de Christophe Gatineau (que je suis impatient de lire), il m’apparait très difficile de comparer la quantité d’énergie apportée entre l’engrais vert et le fumier. Dans tous les cas, je suggère toujours de les utiliser de façon complémentaire en fonction des besoins du sol encaissant, du climat et autres paramètres environnementaux et surtout des exigences des plantes à cultiver.
Bonjour,
Quand on dit que les engrais verts capturent d’abord de l’énergie pour le sol, concrètement, le carbone, sous la forme de « sucres », sera directement consommable par la vie du sol. Par ailleurs, fumiers et engrais verts ne sont que des composants d’un itinéraire technique pour soutenir la fertilité.
Bonjour,
Bien sûr que non, le fumier, c’est de l’engrais vert concentré… l’un et l’autre sont complémentaires et rentrent dans une stratégie globale de soutien de la fertilité.